Précédemment



Emily, je vous paye un verre au chaudron baveur ? Je vous dois bien ça pour votre première mission, pas de monsieur le directeur ni de ton d'employé à supérieur... 

Pourquoi pas

La surprise de la journée était peut être cette acceptation, le premier jour, elle aurait poliment refusé, mais là, elle venait d'accepter cette invitation fort informelle, un pas de plus vers une entente mutuelle des plus fructueuses.

En France, il était rare de voir les patrons inviter leurs employés à prendre un verre comme ça, d'autant que les bars étaient soient mal famé, soient rempli de moldu, une vraie plaie, seul quelques bons établissements proposaient des services spécial sorciers, mais ils étaient rares, le pays de Flamel étant nouvellement entré dans son air puriste, il fallait le temps qu'il fallait pour que les français se fassent à l'idée, non pas qu'elle eusse été absente de leur territoire, juste moins présentes qu'en ces temps.
Signe que le tout changeait, l'apparition d'une installation proche de la commission du sang, enfin, ce n'était pas exactement la même chose, mais les deux se ressemblaient et l'expérience de Tryan dans cette institution, ainsi que ses rapports sur son fonctionnement et son organisation, avait permis à son pays natal de se doter d'un tel arsenal puriste que bientôt, la France serait la deuxième grande nation puriste.

Mais ce n'était pas vraiment le sujet, s'il invitait la demoiselle à ce verre de repos, c'était plus pour faire connaissance hors du travail avec elle, qu'elle voit la face caché de l'iceberg qu'il était, non pas qu'il voulait quelque chose de moins formel, juste pour briser la glace qu'il avait contribué à créer.
Elle méritait plus qu'il ne lui donnait, le vampire avait au moins eu raison là dessus, mais avant, elle devrait gagner sa confiance, et c'était loin, très loin de ce qu'on pouvait attendre d'une élève ou d'un agent en formation, bien qu'elle ne le soit qu'à demi mot, portant désormais fièrement l'insigne de son département, fierté qu'elle représentait à merveille avec son orgueil de jeune vierge effarouchée.

Lui désignant la sortie d'un geste de la main pour l'inviter à passer devant il ajouta :

« Et bien allons y. »

Passant la porte pour se retrouver dans les rues de Londres, croisant quelques sorciers alors que déjà il faisait nuit en terre anglaise, le jeune homme entama la discussion sur le chemin du chaudron baveur.

« C'est intéressant de voir comment son construite les capitales, vraiment, Paris ne ressemble en rien à ce que vous avez ici à Londres, avez vous déjà voyagé dans d'autres capitales ? »

Lui n'avait jamais vraiment eu le temps de prendre le temps de les visiter, peut être parcequ'il n'y voyait pas un grand intérêt, c'était surtout par le pratique et l'utile qu'il fonctionnait, le superflu n'étant qu'un divertissement parfois plus encombrant qu'autre chose, le plaisir, il fallait savoir se le procurer en fonction de son être, et lui ne comptait pas voyager au delà de ce qu'il connaissait déjà.
Les capitales autres que Londres et Paris, il voulait éviter de les revoir de si tôt, surtout Dublin en fait, sa sortie du ministère irlandais l'avait conforté dans l'idée que la prochaine fois qu'il entrerait en ces lieux, ce serait pour contempler les flammes ronger les corps de ces bâtiments.

Il ne leur fallut pas longtemps avant de franchir la porte de l'établissement, peu de présents, parfaits, ils seraient tranquilles, d'autant qu'il était déjà tard, seul les plus acharnés sortaient du travail à cette heure, et vivre de nuit pouvait constituer une des conditions de vie de certains agents du RCCM, laissant passer la demoiselle par galanterie, Tryan salua de la tête les présents et les patrons.
Laissant Emily s'asseoir à une table, il prit la place en face d'elle, attendant que le serveur arrive pour prendre la commande, d'ailleurs celui ci ne tarda pas à le faire.

« Un pur feu pour moi ... »

Son invitée donna sa commande également, laissant le larbin repartir chercher tout ça.
L'ambiance de l'endroit était bonne, il faisait chaud et bon vivre ici, l'odeur de bière caractéristique de ces pubs qu'on ne trouvait qu'ici, avait quelque chose de familial et de convivial.
Le français décida de reprendre la discussion.

« Vous venez souvent ici ? »

Selon son dossier, elle y avait fait quelques corvées, mais disons que la question portait plus sur le coté festif et hors labeur.

« Pour être honnête, j'ai rarement fréquenté cet établissement, malheureusement, on ne trouve pas de vins aussi délicieux que par chez moi, c'est pourquoi je prends la plupart du temps un verre chez moi, l'air écossais dans un château est particulièrement appréciable. »

Le serveur revint avec la commande, laissant les jeunes gens seuls, prenant son verre, il le leva pour trinquer avec Emily, les yeux il ajouta comme toast :

« A une santé qui nous est chère … la notre. »

Le bruit des verres ponctua la phrase, le jeune homme prenant une lampée de ce pur feu qui portait bien son nom. L'habitude de ce genre de boisson ? Pas vraiment, il avait rarement apprécié ce genre d'alcools forts, venant d'une noble famille, il avait toujours préféré les grands crus à de la vulgaire piquette ou tord boyaux, mais force était de constater qu'après une nuit de travail comme celle ci, un remontant ne faisait pas mal.

Reposant son verre sur la table, il lança la conversation sur une autre piste sans pour autant entrer dans le trop professionnel, ils n'étaient pas vraiment là pour ça.

« Alors Emily, j'ai vu que vos recherches avançaient, vous vous en sortez ? »

Il parlait bien évidemment de magie, l'élémentalisme était quelque chose qu'il avait remarqué avec attention, elle avait considérablement développé son affinité à tel point qu'il en aurait presque été tenté de lui montrer que lui pouvait bien plus, mais il n'avait cependant pas cédé à un vil orgueil.

« Vous avez bien progressé en très peu de temps, j'en serais presque impressionné. »

Tryan avait ajouté ça avec humour et sourire en coin, prenant une gorgée de sa boisson, laissant le soin à la demoiselle de répondre à cette boutade.
La soirée se promettait d'être agréable.

Elle n'était pas très causante cette Emily Matthews, en fait, elle devait avoir d'énormes problèmes pour communiquer, son entretien avait été un effort sans doute surhumain pour elle, elle semblait enfermée dans une sorte de cocon anti-sociale, coupée du monde, elle fuyait le regard, le contact, c'était presque amusant, le français le comprenait, il était lui aussi plus ou moins comme ça en présence de 'supérieurs'.
Peu causant, il aimait garder une marge de manœuvre, ne pas commettre d'erreurs, prendre énormément de distance vis à vis du fait et de la discussion, un moyen de garder la tête froide, le tout agrémenté de son air froid qui n'engageait en rien à une confiance aveugle, avec De SaintClair, on savait à quoi s'attendre !

Lors de sa rencontre avec Mulciber, il avait appliqué le même procédé, pareil pour son altercation avec Menroth, et il avait été encore moins bavard avec le Seigneur des Ténèbres, entrevue qui l'avait marqué au fer rouge, et dissuadé de rejoindre les rangs de ses serviteurs, le doloris, très peu pour lui.
À vrai dire, Tryan pouvait sans aucun problème garder la distance vis à vis de la situation, et même si elle ne devenait pas très causante, il pouvait facilement lui démontrer que lui savait en prendre encore plus, elle en serait vexée, il fallait bien qu'elle comprenne que la confiance de son patron, ne s'obtenait pas avec cette attitude d'ado rebelle, et encore moins en fuyant le contact avec celui ci, si elle pensait bien faire en entrant dans ce jeu là, c'était tout faux, lui seul excellait dans cet exercice, et si elle en attendait la preuve, il était sûr qu'elle passerait les pires années de sa vie au Rccm.

Matthews avait un caractère difficile, et la dompter était un exercice que Tryan aurait trouvé intéressant, en général, il y avait deux manières de procéder avec ces êtres, soit par la flatterie, la mise en confiance, procédé long et qui visait à une relation 'saine', et l'autre méthode, celle qu'il trouvait la plus amusante, la force.
Faire plier quelqu'un, le voir subir sans pouvoir répliquer, cette sensation de puissance exultant un sadisme à toute épreuve, il l'avait ressenti plus d'une fois, détruire la personne psychologiquement, lui inspirer la crainte, pas forcément la peur, même si avec cette dernière le rendement était optimal, mais juste montrer avec évidence sa nette supériorité, qu'elle voit consciemment que jamais, elle ne pourrait l'atteindre et qu'obéir et plier était la seule chose à faire face à lui.
Modeler l'esprit psychologiquement détruit était un jeu pour le jeune homme, il l'avait déjà fait, cette petite sang-de-bourbe, Leonora Levinson, avait trouvé là un adversaire autrement plus compétent, et un maître à qui elle devrait obéir aveuglément, cette petite chose peureuse avait été soumise au serment inviolable, détruite psychologiquement, elle se reformerait un caractère, intégrant la servitude qui conditionnait son être.
Emily pouvait être la prochaine, Tryan avait les moyens de le faire, elle en avait eu un aperçu le jour de son entretien, ce sortilège de congélation l'avait mise à mal en une fraction de seconde, s'il l'avait fait duré, s'il s'était mis en évidence, elle aurait vu la différence de puissance qui les séparait, comme un fossé que jamais elle ne pourrait franchir sans que lui le veuille, oui, il avait les moyens de conditionner son esprit de pauvre jeune fille à peine consciente de ce qu'était le monde et de ce que les mots magie et purisme signifiaient.

De la torture ? Oui et non, il s'agissait bien plus de psychologie que de torture, dans un premier temps, montrer les faiblesses, les points sensibles, appuyer dessus, prouver que lui est impossible à atteindre alors que l'autre est vulnérable, dévoiler un moyen de ne pas rendre ces faiblesses apparentes, tendre la main, et proposer un arrangement, la servitude contre le silence et l'inaction …la technique était bien rodée, ce n'était pas pour rien que dans son temps, en tant que tireur d'élite de baguette, il menait aussi des interrogatoires, sans pour autant toujours se soucier de la loi.
Le français imaginait la scène, Emily Matthews, attachée à un poteau, dans un cachot froid, très peu vêtue, lui tournant autour tel un rapace, énumérant sa faiblesse, atteignant un orgueil inutile tant il ne pouvait rien faire pour la sauver, l'humilier, encore et encore, détruire ses barrières mentales, puis lui parler de sa vie, de cette famille qu'elle ne possédait pas, lui dire qu'il pourrait trouver ses amies, son elfe de maison, et leur faire subir milles tourments, donner des exemples. Enfin, il s'attarderait sur l'enfance triste de la demoiselle, piètre sorcière d'une famille brisée, un père absent, une mère morte, les conditions étaient réunies pour faire d'elle un être destiné à servir, et dont le seul moyen de s'élever, était la servitude d'un puissant, il lui donnerait son profil psychologique, sans pour autant pénétrer l'esprit de la jeune femme magiquement. Posant ses conditions, il lui démontrerait que cette main tendue n'était pas là pour l'enfoncer, que c'était donnant donnant, servir pour plus de pouvoir, pour vivre tout simplement.

Oui, l'idée de l'asservir avait traversé son esprit sadique, mais il savait qu'il ne le ferait pas, non, il n'avait pas besoin de ça, et elle non plus, maigre jeune femme fragile derrière une carapace froide à peine solide, elle devait vivre dans l'illusion que son patron ne le voyait pas, mais qu'elle se souvienne du jour où il l'avait regardé de haut, elle qui se lamentait au dessus d'un corps de gamine zombifiée, elle qui avait clairement démontré une faiblesse à cet instant.
Elle le comprendra plus tard, trop jeune pour prendre le recul nécessaire dès l'instant vécu, et de toute façon, Tryan la savait capable de cette démarche psychologique, elle était loin d'être une abrutie finie.

Sa tentative d'humour cynique n'avait pas prise, fort bien, il faudrait plus subtil pour l'amener à sortir de son rôle de petit pimbêche peu causante, un défi facile pour un psychanalyste comme lui.
Vint alors le moment de parler magie, et là, il savait que la soif de savoir l'emporterait sur la méfiance.

-Je m'en sors, mais j'ai encore des progrès à faire... Maintenant que mon affinité s'est un peu développée, je pense étendre mon champs d'étude vers les autres éléments, ainsi que d'autres domaines que je n'ai pas exploré... Je pense étudier la magie blanche, l'alchimie...

Les autres éléments ? Déjà, elle avait à peine acquis une pleine maîtrise de son affinité, ce n'était pas pour commencer à en développer une autre, elle allait bien vite en besogne, sans doute satisfaite de ce qu'elle avait pu montrer face au vampire, et encore, la cible était facile, seule, le français aurait parié qu'elle ne s'en serait pas sortie, et bien loin de lui l'idée de la laisser dans cette situation, elle était une bonne pièce en devenir, un pion que l'on adoubera en tour.
Magie blanche … alchimie, avait elle seulement conscience de ce que ces domaines représentaient ? Par chance, elle tombait sur quelqu'un qui descendait d'une lignée de grands blancs, et qui en plus de ça, avait une formation basique en alchimie, mais avec son niveau actuel, Emily ne pourrait jamais parvenir à se créer un si large registre, déjà, il fallait qu'elle maîtrise pleinement son élément, puis acquiert d'autres compétences magiques avant de directement se spécialiser, sans quoi, elle ne pourrait guère plus que tâtonner dans le piètre et le ridicule, pour ne pas dire l'inoffensif.

Neutre et impassible devant cette annonce, il garda pour lui ses sarcasmes concernant le maigre niveau de la demoiselle, elle n'avait pas besoin de ça pour se rendre compte qu'elle allait bien vite en besogne, non, il la laisserait découvrir par elle même qu'elle n'était pas prête à passer le pas, de toute façon, elle ne risquait rien avec la magie blanche, et l'alchimie … il fallait déjà qu'elle apprenne la nomenclature de base avant de s'acharner à comprendre les codes et règles de celle ci, car pour arriver à un niveau moyen, il avait fallu pas moins de sept ans d'études de celle ci pour De SaintClair, et ce, sans en faire une spécialité.

-Et les magies anciennes et runiques... Pour ce qui est de la magie noire, je crois que vous serez satisfait de savoir que j'ai décidé de l'abandonner. Ce n'est pas fait pour moi.

Runes ? Eris en était un spécialiste, elle décidait de ratisser large, sans doute pour voir s'il n'y avait pas une affinité avec un des autres domaines, elle serait vite déçue de voir que l'affinité était parfois difficile à trouver, même Tryan avait du attendre son entrevue avec Léon Brom pour le savoir.
Bon, il était en partie conscient de sa nette affinité avec la glace, mais lorsque le vieil homme avait mentionné l'ombre, il en avait été plus que surpris, lui qui n'avait jamais usé de magie noire, et d'autant plus qu'il descendait d'un lignage blanc, il avait un niveau correct en magie blanche, certains actes lui étaient d'une simplicité affligeante, alors se découvrir une affinité avec l'ombre, c'était assez inattendu, et après coup, il avait compris que l'ombre n'était pas forcément lié à la magie noire.
En effet, il avait réussi à comprendre le fonctionnement de la nécromancie, sans pour autant en faire une arme encore fonctionnelle, mais il n'avait eu aucun soucis à créer des inferi de lutins de Cornouaille, pour les corps humains, il lui avait fallu un peu plus de temps, mais il y était tout de même parvenu, les livres mentionnaient deux mois pour le faire, en trois semaines, il avait réussi à ce niveau, l'affinité était sans doute réelle.

Lui satisfait de la voir quitter la magie noire ? Il en avait juste rien à foutre, et leva les yeux de son verre pour la fixer et ajouter d'un ton froid et cassant :

« C'est vous que ça regarde ... »

La magie noire, il essayait de l'oublier, de fermer les yeux, même si cela était difficile, le monde tentait tant bien que mal de s'y accommoder, pas lui, mais de là à interdire la manipulation de celle ci par ses employés, c'était plus de la stupidité qu'une lutte contre celle ci.

-D'ailleurs... Sans vouloir paraître inopportune... Ça ne vous pose pas de problèmes votre rapport avec la magie noire ? Le Seigneur des Ténèbres a imposé un apprentissage poussé aux jeunes et c'est une matière particulièrement mise en avant... La plupart des meilleurs élèves se vantent souvent d'être mages noirs accomplis...

Tryan eut un bref rire, et parut des plus amusés de cette remarque, ce n'était pas contre elle, mais plus pour le fait, si elle savait …
Posant son verre, il effaça cet air froid de son visage pour un plus amusé, presque amical tant la rigolade était sincère, il était rare de voir autant de franchise sur ce visage d'ordinaire impassible et glacial.

« Il y a une grande différence entre se vanter d'être un mage noir accompli et en être réellement un. »

Se posant sur le fond de son fauteuil, il poursuivit toujours avec cet air moins sérieux, une autre dimension que celle du boulot semblait prendre place dans la conversation.

« Je vais être franc avec vous Emily … j'en sais probablement plus que vous où que ses élèves en magie noire, sans jamais l'avoir pratiqué. »

Il n'y avait pas de vantardise dans sa phrase, pas de pics, rien de blessant ni de frappant, c'était dit avec un naturel étrange, ce genre de conversation était rare avec le français, et peu de personnes avaient eu l'opportunité de parler aussi ouvertement avec celui ci.

« Je n'ai vu à ce jour que cinq sorciers qui puissent prétendre à ce titre, je les ai tous vu procéder, et je ne peux qu'être formel là dessus. »

Après une gorgée, de son whisky pur feu, il reprit.

« Vous devez vous demander de qui il s'agit, et bien je vais vous donner des noms, Léon Brom, Frédérique LeeRoy, Larsen Menroth, mon cousin Eris Valverde et … Vous-savez-qui. »

Il les avait vu tous procéder à des actes de la sorte, des choses qui ne devaient pas être mentionnées, lui, jeune loup de ce monde, issu de la magie blanche, avait côtoyer cinq des plus grandes figures de la magie noire, il n'avait encore jamais vu Mulciber la pratiquer, donc il était impossible pour lui de se prononcer, mais tout ceux mentionnés, étaient à ses yeux dignes d'être appelés mages noirs.

« La magie noire que l'on vous apprend à votre école de sorcellerie, ce n'est rien comparé à ce qu'est vraiment cette magie, ténèbres et noirceurs, corruption et infamie. Cette magie me rebute en tout point, je ne le dirais jamais assez, l'enseigner à des élèves est une erreur. »

Passant une main gantée sur son visage, il enchaîna sur un ton un peu plus grave.

« Ma cousine étudie actuellement dans l'école d'où vous êtes sortie, elle descend d'un lignage blanc certes moins prestigieux que le mien, mais elle présente tout de même cette affinité si particulière … et on la force à apprendre la magie noire, ce n'est que du formatage. J'ai beaucoup échangé avec elle, d'ailleurs elle vous ressemble énormément … il y a dans votre apprentissage de la magie noire, une dimension que l'on ne vous enseigne pas, ce n'est que le piètre que l'on vous donne, cependant la magie noire reste la magie noire et ce peu importe son niveau de pratique. »

Comme pour se calmer ou presque, parcequ'il avait la mine sinistre, il reprit une gorgée de son breuvage.

« Je la hais plus que tout Emily … cependant, est ce une raison pour l'interdire à mes hommes ? Si cela peut leur sauver la vie ? Faciliter leur condition de terrain ? Chacun est libre de la pratiquer ou non, ce n'est pas moi que cela concerne, comprenez moi bien, dit il en laissant de coté la part d'animosité qu'il avait pour cette magie, si vous l'abandonnez pour satisfaire votre employeur c'est inutile, si vous vous plaisez dans cette pratique, tant mieux pour vous, mais je ne peux en aucun cas influencer votre choix concernant le devoir ou non de la pratiquer. »

Restant dans son choix de liberté de magie, et signe d'une ouverture d'esprit qu'elle ne lui connaissait peut être pas, il conclut ce monologue :

« Disons que je la tolère … simplement, je prends sur moi parce que la liberté de magie est un droit inaliénable à mes yeux. »

Terminant ensuite son verre d'un levé de coude sec et habile, il fit signe au serveur de lui en apporter un autre, et orienta la discussion vers autre chose, bien qu'il puisse laisser la demoiselle intervenir sur ses propos après.

« Si mon avis vous intéresse concernant vos vues sur la magie et votre entreprise d'essayer certaines pratiques, je peux vous fournir quelques manuels de base sur la magie blanche et des planches spécifiques à l'alchimie, je dois avoir ça de Beauxbâton …

Laissez de coté les autres éléments, concentrez vous sur votre affinité, vous n'arriverez à rien à combattre sur tous les fronts Emily. Développez votre maîtrise de votre élément du mieux que vous pourrez seule, je vous expliquerais ensuite comment passer le prochain cap d'élémentalisme. »

Ainsi, elle devait voir le visage d'un autre homme, plus humain que la personne qu'elle côtoyait au travail, plus ouverte peut être, moins dur avec les autres, plus cléments, une fois sorti du cadre du travail, Tryan devenait un sorcier pas comme les autres mais presque, juste qu'il aimait débattre et avait de bonnes connaissances en magie, connaissances qu'il n'hésitait pas à partager avec une inconnue, car c'est ce qu'elle était pour lui, simplement, il lui tendait la main ...

Tryan n'avait jamais eu dans l'idée de faire d'Emily Matthews son apprenti, loin de là, ce qu'il faisait pour elle, ce n'était que lui offrir du pouvoir, et personne ne crachait sur le pouvoir, c'était un moyen de la fidéliser, d'en faire un bon petit soldat, outre le fait qu'il appréciait son esprit, il voyait en elle quelque chose qui l'intéressait, un peu comme on est attiré par un don, elle devait avoir cette étrange capacité de repousser l'indifférence d'un individu souvent méprisant et hautain, elle, elle titillait sa curiosité.
On pouvait le dire, elle était pour lui une curiosité, une expérience à part entière, un peu comme on teste un sortilège, il faisait d'elle une personne puissante en devenir, il l'imaginait parfaitement en fidèle, seconde à coté de lui, marquée par un patron à qui elle devait tout ou presque, ce qu'il lui offrait c'était sa marque, fusse t'elle invisible, elle porterait du De SaintClair en elle, dans son style, dans sa magie, peut être même dans son comportement, car le point commun qu'elle avait avec presque tous les autres employés du RCCM, c'était qu'un jour, Tryan leur ait tendu la main …

Elle ferait un parfait petit soldat, mais le mieux, c'est qu'elle possède encore son esprit critique, le reste aurait été d'un gâchis … oui, tant qu'elle exécutait les ordres, c'était une bonne chose, qu'elle fasse comme elle l'entendait, du moment que le travail était fait.
Oui, elle pourrait rapidement faire partie du quintet des favoris du français, ceux qu'il aimait appelé en privé ses cinq gardiens des portes, en hommage à une vieille légende que peu connaissaient, même dans son pays natal, étrangement, elle était la seule sorcière, les autres étaient des sorciers ou des créatures magiques, vampire entre autre pour Umbra, et pourtant, elle n'avait rien à leur envier, un peu à sa manière, sans le savoir, elle sortait du lot, son attitude faisait d'elle une personne intrigante et pourtant si fragile.

Il y avait encore des faiblesses dans son style mais ce n'était pas le sujet, très vite, elle pourrait se faire une place parmi les agents, mais ce qui intéressait le plus De SaintClair, c'était de voir comment elle userait de son héritage, de ses affinités, de ce qui faisait d'elle une sorcière, de ce qui la conditionnait en somme.
Il ne croyait pas en la domination de la terre, non, il voyait même en cette affinité, la plus faible de l'école de l'instinct, trop primaire et facile à vaincre à son goût pas assez efficace ni classe d'ailleurs, peut être parce que son style pouvait facilement la mettre à mal, ce n'était pas grand chose.
Enfin, elle se destinait à une diversification de celui ci, et elle avait tout son temps pour parvenir à quelque chose de correct, suffisait juste qu'elle sache comment s'y prendre.

D'ailleurs, on ne reconnaissait les grands sorciers que parcequ'ils excellaient en un domaine, simple exemple … Flamel, l'alchimie, Dumbledore la magie blanche, Voldemort la magie noire, et encore bien d'autres, connus presque exclusivement de part leurs compétences en un seule et unique domaine qu'ils portaient comme la signature d'une maîtrise absolue d'un pouvoir qui était le leur, leur affinité.

-Je réfléchirais à la question... Merci pour vos conseils et votre proposition. L'alchimie m'intéresse plus que la magie blanche, je dois l'avouer, néanmoins, j'ai une égale curiosité concernant ces deux pratiques. Ces manuels pourront m'être très utiles.

D'un geste de la main, il répondit rapidement.

« J'essaye de vous les transmettre demain, mes elfes devraient avoir de quoi s'occuper cette nuit. »

Il avait été amusé par sa phrase, à vrai dire, imaginer Dwyn, aussi maladroit et délirant soit il, en train de fouiner et trier ses cours l'amusait vraiment, cet elfe de maison était un phénomène à lui tout seul et Tryan le considérait, fusse t'il esclave, il n'en demeurait pas moins drôle et c'est ce qui faisait tout son petit charme, ou presque.

-Pour revenir sur la question de mon abandon de la magie noire... Vous auriez vénéré cette magie que mon choix aurait sans doute été le même. C'était à mon goût lorsque j'étais une étudiante. Plus maintenant.

Encore un phénomène dû à l'embrigadement, c'était bien, elle avait conscience d'en sortir, son esprit s'éveillait lentement, car il avait été trop asphyxié par les directives des mangemorts, elle devenait elle, elle se trouvait magiquement parlant et spirituellement, elle était en train de ne plus être le mouton qu'elle était, son esprit critique s'aiguisant peu à peu, cela deviendrait une arme et une force, il suffisait qu'elle se mette à penser par elle même et tout deviendrait plus pur, plus juste.

Au fond, il était satisfait de voir ce changement s'opérer en elle, un pas de plus vers ce qui était l'apogée de la magie, un esprit libre.
Cependant, elle n'y parviendrait jamais, Tryan y veillerait, elle faisait un trop bon élément pour ne pas obéir à ses ordres, et tant qu'elle serait au Rccm, elle devrait en répondre, par extension, cette liberté de vouloir penser par elle même, était une volonté du français, lui inculquant à demi-mot cette volonté de se développer par elle même, il endormait sa méfiance, et sans s'en rendre compte, plus elle avait l'impression de se libérer de contraintes, plus elle en gagnait concernant De SaintClair, c'était là toute la stratégie manipulatrice d'un individu très complexe, et pour ainsi dire, autrement plus compétent que ce qu'elle avait du croiser par le passé.

-Comment en êtes-vous venu à travailler en Grande Bretagne ? Les bruits de couloir sont plutôt avares concernant votre histoire et... J'avoue que cela m'intrigue.

Il eut un bref rire amusé, avec un sourire pareil, on devinait qu'il ne se cachait pas derrière sa personnalité froide et distante, non, l'ambiance était à la détente, et il n'avait pas besoin de ça pour mener une discussion 'amicale' avec quelqu'un, même un employé, ce qu'elle n'était d'ailleurs pas vu que le cadre était différent, du moins lui arrivait à en faire totalement abstraction.

Sirotant un peu de son horrible whisky pur feu, il prit son temps avant de répondre avant de hausser les sourcils, toujours amusé par cette phrase.

« Vous connaissez Roxane, n'imaginez pas que les bruits de couloirs ne me parviennent pas. »

Oui, cela l'amusait, il savait à peu près tout ce qu'il se passait et se disait dans son département, un moyen bigbrotherish certes, mais ô combien efficace pour savoir qui il fallait recadrer ou non, la manipulation, encore de la manipulation, toujours de la manipulation !

« Comment dire, mon parcours est quelque peu … atypique dirons nous. »

Passant une main presque gênée derrière sa tête, on ne lui avait jamais posé la question, et pourtant ça ne le dérangeait pas, c'était juste surprenant tant la question était posée sans les pincettes habituelles, pas de monsieur le directeur, ou de fioritures de ce genre là, on était dans une dimension presque privée.

« Pour faire simple, je suis ici parcequ'on m'a viré en France. »

Il rit brièvement à l'ironie de la chose.

« Non bien sûr j'exagère, mais l'idée est là, j'étais assistant auprès d'un membre de l'équivalent de votre magenmagot, et comme vous le savez, mon pays est en train de s'ouvrir au purisme, étant sang-pur, et passablement probablement détesté pour mon caractère, le ministre en fonction a décidé de m'envoyer à la commission du sang ici pour examiner le modèle et l'importer en France, chose qui a eu lieu évidemment. Mais j'étais loin de m'imaginer qu'on me réservait un tout autre destin. »

Reprenant une gorgée pour s'abreuver et se remotiver à poursuivre son récit, il constatait à quel point il devait à son père spirituel.

« Et donc me voilà parti à mon plus grand regret pour un pays que je détestais car synonyme de mauvais souvenirs, j'arrive donc à la commission du sang et on m'annonce que je suis attendu par qui ? Surprise, mon cousin Eris Valverde, que je ne connaissais que de quelques réunions de famille, vous voyez le genre, enfin toujours était il que je l'avais toujours apprécié … donc j'entre dans son bureau, habituel salut, je vous passe le détail, et voilà t'il pas qu'il m'annonce ma nomination au poste de directeur de la commission du sang.
Sacré promotion n'est ce pas ? »

Son regard en disait long, un bon souvenir au fond.

« En effet, Eris avait souhaité se retirer un temps de la politique et cherchait un sang pur, de sa famille si possible, intelligent et compétent, capable de gérer une telle entreprise, et si possible qui pourrait le tenir au courant de son avancement … j'étais visiblement le candidat idéal puisque j'ai assuré l’intérim à l'Ordre Nouveau … »

Humidifiant les contours de son verre, il fit vibrer celui ci en passant son index sur le tour, le son cristallin l'occupant ainsi comme pour ponctuer son monologue explicatif.

« Et voyez où j'en suis … enfin bref, pourquoi cette question ? Sait on si peu de choses sur moi parmi mes employés ? »

Tryan se demandait comment réagirait Emily Matthews s'il l'emmenait découvrir ce qu'était la vraie magie blanche, elle serait surprise de découvrir tant de mysticisme, de mystère autour de celle ci, on ne trouvait cette ambiance que dans de rares endroits, le prieuré était l'un d'eux, un endroit ou on pratiquait cet art depuis presque la nuit des temps.
La crypte était l'endroit le plus propice à ce genre de pratiques, on y trouvait une ambiance particulière, jamais vu ailleurs par De SaintClair, en effet, même à Beauxbâtons, il n'avait pas trouvé pareil lieu.
Disait on, que les plus purs pouvaient entendre les morts chanter, c'était un lieu de recueillement, rarement ouvert, pour être totalement honnête, le jeune héritier n'y avait mis les pieds que quatre ou cinq fois, et encore, ses passages étaient brefs, toujours, sa famille l'avait tenu à l'écart des ces endroits. Sa mère, en bonne ignorante qu'elle était l'avait toujours laissé loin de la famille, comme pour l'y en protéger, elle n'aimait pas ses beaux-parents et au plus grand dam du français, elle n'avait jamais été rien d'autre qu'une épouse à peine bonne à commander.

Tryan n'avait pas eu une famille très soudée, issu d'un mariage sans amour, juste pour l'héritage, elle avait eu le nom De SaintClair, et une place dans la famille, c'était à peu près tout ce qu'elle pouvait espérer, elle n'avait jamais rien fait pour son fils, rien de plus que de lui fournir à manger, à boire, et de pouvoir user de la magie.
Sa vraie famille, c'était autre chose, plus complexe, il était un De SaintClair, mais probablement pas de ceux qui étaient faibles. Toujours, il avait souhaité venir à bout de tout ça, vouloir comprendre ce que sa famille signifiait, le pourquoi de tout ça.
On disait, qu'il fallait une vie pour comprendre ce à quoi cette famille était destinée, c'était beaucoup trop pour lui, impatient et fougueux bien que distant des événements.

Et comme on disait dans la famille : Rien n'est plus certain que la mort, même pour un SaintClair.
Un même sang ...

Cette famille dont il venait, on racontait qu'elle avait la fourberie dans le sang, qu'ils n'étaient que des faux croyants, qu'ils ne croyaient même pas en leur propres frères, et c'était le cas, on se méfiait des intrigues familiales, et en particulier de la si particulière façon qu'ils avaient de s'appeler, petit frère, petite sœur, comme si l'un était l'aîné de l'autre, et ainsi de suite, au fond, si on ne gardait pas en mémoire qui était plus âgé que qui, on s'y perdait vite, c'était pourquoi Tryan avait tenu sa fiancée loin de sa famille pour la protéger, et la laisser en paix.

Les sangs-mêlés s'imaginaient que tout n'était qu'affaire de richesse, et que la pureté était synonyme de tranquillité, loin de là, c'était autrement plus complexe qu'il n'y paraissait.
La légende voulait que les De SaintClairs meurent soit pour leur famille, soit par leurs ambitions, au fond, cela avait été toujours plus ou moins vrai, comme l'ogre qui dévore ses enfants, ce qui avait été crée par la famille, devait périr par la famille ou pour soi même.

Enfin, ces histoires de famille ne devait intéresser que ceux qui étaient concernés, la pauvre Emily Matthews devait être bien loin de se douter de ce qu'être sang pur signifiait, et en particulier de ce que c'était, que d'être un De SaintClair.
On ne pouvait pas lui en vouloir de toute manière, elle n'avait pas le sang pour le comprendre, mais inutile de lui rappeler, elle devait suffisamment complexer comme ça, et puis ça aurait été d'un bassesse …

Revenant à la conversation, et au manque d'informations qu'avaient ces employés, le jeune homme fut assez surpris de la réponse qu'on lui donna :

-Assez peu en fin de compte

Pourtant, il ne s'était jamais caché, à croire qu'il avait sous la main et dans ses petits papiers, les seules personnes à pouvoir trouver quelque chose sur son passé, en particulier son agent de renseignements, fortement utile pour ce qui était de trouver des dossiers compromettants, en particulier sur les mangemorts.
Au fond, on ne pouvait pas s'occuper des créatures magiques et se renseigner sur son patron, pour le peu qu'il y avait à trouver dans les archives officielles de toute manière …

Pour vous dire le mystère qui vous entoure, un employé chez les gobelins a osé me dire que vous étiez vampire.

Dévoilant une dentition parfaite avec un air amusé, il aimait plutôt ce genre de rumeur, même lui, puriste jusqu'à la moelle, prenait avec humour le fait qu'on veuille entacher son sang, lui un vampire, que faisait il des conférences de presse en plein jour ? De la croix qu'il portait constamment avec lui, certes, le patron était souvent occupé à négocier avec les longues-dents, mais jamais il n'en serait, enfin, il retint sa remarque désobligeante, mais la plupart des agents du service des gobelins, étaient des vieux briscards du rccm qui venait finir leur carrière dans un coin tranquille, un peu comme à la commission du sang d'ailleurs, mais en encore plus tranquille, les relations avec les gobelins encore sous la tutelle du régime, se limitait à Gringott et les autres banques sorcières, donc il n'était pas improbable de croiser quelques signes de sénilité.

-Comme si on ne croisait pas assez de vampires au RCCM... Je suppose que le vrai mystère est d'avoir un français comme directeur, mais vous écartez une part de mes interrogations... Même Jackson n'a pas esquissé l'ombre de quelques mots vous concernant.

En effet, il y avait pas mal de transite concernant les vampires, surtout ces derniers temps en période de négociation, enfin, le plus gros de ce genre d'affaire, se traitait dans l'ombre, entre les dirigeants eux mêmes, des échanges de courrier, ce genre de chose, puisque les buveurs de sang préféraient maintenir une distance, les rencontres n'étant pas le mode d'échange qu'ils préféraient, simple question de moyen, ou peur des porteurs de baguettes ? Difficile à dire, mais le fait était là.

Le mystère était résolu, il n'y avait aucune tare à aller chercher plus compétent dans un autre pays, ça, elle ne devait pas encore le saisir, mais le purisme avait besoin de ses meilleurs éléments, qu'ils soient français, anglais, russes, qu'importe, tant que l'on servait la magie et le sang pur.

Ce brave Jackson, c'était peut être mieux qu'il ne parle pas concernant le passé de son ancien élève, il l'avait vu évoluer magiquement, surpasser les autres élèves avec son attitude hautaine, ses sarcasmes désobligeants en réponse à sa supériorité évidente sur le commun, il l'avait vu se lier d'amitié avec Fleur, il avait bien fait de ne pas en parler, cette amitié pouvait rapidement tourner à la théorie du complot, mais il était loin le temps où les deux parlaient avec liberté, où ils étaient les meilleurs, oui, il était loin le temps de la quiétude et la bonne entente … l'un devenait un pilier naissant du purisme, l'autre une terroriste bourbiste … qui l'aurait cru.
Le plus drôle c'était que Jackson Gilbert n'avait pas toute l'histoire, il lui manquait bien des choses concernant son élève, et Roxane en connaissait énormément de cette période, sans savoir ce qu'il y avait avant, un simple regroupement d'informations, et ils auraient à eux deux une bonne partie de la vie cachée du français, mais qui imaginait les deux en train de bavasser là dessus … personne, les secrets étaient gardés par des personnes qui ne se connaissaient pas.
Volonté de protection de son histoire ou simple hasard ?

-D'ailleurs, j'ai tenté de l'imaginer comme votre professeur, j'ai eu un peu de mal... Pas que je remette en cause sa compétence, c'est assurément un homme érudit mais... Il a un caractère particulier.

Hochant la tête, Tryan se dit qu'en effet, elle pouvait difficilement les imaginer chacun du coté opposé du bureau, elle ne connaissait que le statut actuel de son patron, sa capacité à gérer, et le coté un peu fou de Jackson, oui, il était un peu étrange par moment, on ne savait pas trop ce qui lui tournait dans la tête, mais c'était loin d'être irréfléchi, toujours dans la mesure de l'esprit libre de ce professeur aux capacités réelles mais bien dissimulées derrière ce jeu d'acteur qui en trompait plus d'un, Emily comprise.

-D'ailleurs, vous m'avez parlé de Paris tout à l'heure... Vous habitiez dans la capitale ?

Passant une main dans ses cheveux, il répondit sans vraiment le faire à la question.

« Non, non, j'habitais une des nombreuses propriétés de la famille SaintClair, mais ce n'était absolument pas à Paris. »

L'emplacement était secret, pour conserver précieusement les archives, il y avait le système de Fidelitas, le gardien du secret, ce genre de chose, tout ça en plus de l'incartable, on ne pouvait pas trouver les propriétés de la famille sans y appartenir, c'était la règle première, et parfois, même les cousins ignoraient le lieu d'habitation des SaintClairs, on pouvait appeler ça de la paranoïa, mais disait on que certains savoirs, tombés entre de mauvaises mains, pouvaient vite se révéler dévastateurs, on hochait la tête signe qu'on avait compris, et on amenait que très rarement son conjoint ou sa conjointe, et le tout était réglé, et puis, ce n'était pas la fiancée de Tryan qui pouvait menacer ce genre de secrets vu qu'elle n'avait même pas d'approximations concernant le savoir de la famille.

Comme pour détourner la conversation vers un sujet moins personnel, le directeur du rccm revint au sujet Jackson Gilbert.

« Pour en revenir à Jackson, c'est un homme que j'ai appris à connaître, un professeur compétent, vous le voyez comme un collègue, vous l'auriez eu en cours durant votre scolarité, vous auriez vu un autre homme. »

Il prit une gorgée de son whisky avant de reprendre :

« De nous deux, c'est lui qui a le plus changé depuis mon passage à Beauxbâtons ... »

Tryan avait toujours eu le même comportement, élève déjà, il était aussi imbuvable qu'il l'était actuellement, mais elle ne pouvait pas imaginer comment il était du temps où il n'était qu'un simple apprenti, elle l'avait toujours connu au sommet, et jamais au plus bas, de même pour Jackson, la vision qu'elle avait, était celle d'une employée, d'une collègue, non d'une élève et d'un professeur, il n'y avait pas la même notion de proximité vis à vis de la rencontre.

« J'ai pleinement confiance en les compétences de mon ancien professeur, vous le trouvez un peu fou n'est ce pas ? Beaucoup le disent, mais il faut voir au delà de ce jeu, et puis, que cela reste entre nous, on ne peut pas être forcément très nette après avoir passé une bonne partie de sa vie accompagné de dragon. »

Cette petite plaisanterie le fit rire, non, ce n'était pas l'alcool qui provoquait ce phénomène, juste la bonne ambiance, et la conversation qui commençait à prendre des couleurs, la demoiselle se détendait et semblait mettre de coté le relationnel du travail, les joies des fins de soirées.

Entends tu ton cœur battre la nuit ? Oui, tu l'entends, car c'est lui t'effraye le plus n'est ce pas ?
Les ombres dansantes autour de cette masse intellectuelle, tous les vieux souvenirs d'un monde qui n'était pas le tiens, d'un passé révolu, revenait peu à peu vers toi.
Cela avait commencé par le professeur Woods, pour une commission du sang, il avait souhaité obtenir un poste à Poudlard, non, tu l'aimais pas vraiment, mais il avait le mérite d'avoir été un de tes enseignants, il aurait eu du mal à être plus de toute façon n'est ce pas ?
Puis le fait que tu commences ces rêves bizarres, à propos de Fleur, que tout revenait à elle, jusqu'à ce que tu la chasses de ton esprit provisoirement.
Et d'Uberville, le gars que tu avais sauvé en mission après un combat contre un loup-garou, un brave type, même si sans doute un peu bourbiste sur les bords, au fond, il était pas méchant, et puis, il savait qui appeler pour avoir des créatures magiques pour ses cours en fin de compte.
Et puis le top du top, celui avait représenté à merveille ta 'relation' avec Fleur, Jackson Gilbert, ce brave décérébré, lui il avait vu l'évolution, et la finalité de tout ça.

C'était ce qu'il se disait, du moins, ce qu'il ne voulait admettre, Tryan était trop obsédé par ce passé qu'il essayait de fuir et d'oublier, et que l'alcool semblait ramener de plus en plus, l'enfonçant encore plus dans la douleur, encore et encore, serait il un jour vacciné contre ça ? Peu probable.
Non en fait, il avait peur de tout ça, l'arme qu'on pouvait utiliser contre lui, sa faille, béante et à la vue de tous, mais qu'on dissimulait sous un masque admirablement froid.
Il avait peur de le dire, mais Jackson l'avait presque achevé en venant au Rccm, ce gars là, c'était presque le type le plus à même de comprendre les maux dont souffrait Tryan, il n'était pas plus fou que Matthews ou que De SaintClair … non, il fuyait lui aussi son passé, mais à sa manière.

Le jeune homme aurait aimé soupirer, parler de ce vieux professeur le rendait foutrement nostalgique, il avait vu les heures du gloire de Tryan, il l'avait vu au sommet de la chaîne, et là, il lui rappelait que plus rien n'était comme avant qu'il manquait quelqu'un et que cette personne, il n'était malheureusement prêt de la revoir, oui, que tout ça était loin derrière lui, malheureusement.

Condamné à revivre les moments d'un passé effacé, il aurait aimé ne pas baisser la tête, ne pas être vaincu par celui ci, mais malheureusement, cela n'était pas le cas.

Sadness and Sorrow while I'm alive …

-J'ai autant foi que vous dans les compétences de Jackson. Il me forme depuis que vous m'avez engagé et je compte bien profiter encore longtemps de sa sagesse. Sa méthode est pédagogique, à défaut d'être conforme, et notre tandem fonctionne bien.

Les paroles d'Emily furent lointaines pour lui … se perdant le flou.

-Je le trouve peut-être singulier, mais c'est quelqu'un que j'ai appris à apprécier... Sauf quand il explique les mille et une manières de soigner une dragonne avant sa ponte.

Il ne rit pas, esquissa un simple sourire comme pour paraître poli, mais il était loin d'avoir le cœur à ça, la pensée de Fleur le découragea presque, foutu alcool encore !
Oui il avait l'alcool mauvais à ce niveau là.
Ses pensées se bousculaient les unes les autres pour ne trouver qu'un maigre écho dans son esprit, rien de bien convaincant, mais il avait presque l'air perdu, du moins, son regard le suggérait alors que son visage devait sans doute être aussi froid et impassible qu'avant, signe qu'il avait appris à cacher ce qu'il pensait et ressentait.

Son regard vogua, sur les flots de ces pensées, il se détourna d'Emily pour se poser sur la rue dehors, cette rue, si normale soit elle, lui rappelait les bons moments passés avec Fleur, le temps où lui aussi, était encore quelqu'un de presque normal, où rien n'avait d'importance, peut être qu'en fait, il n'avait jamais été totalement ce qu'il était aujourd'hui, que tout ce qui était déterminisme, n'était qu'une justification banale pour se déresponsabiliser, il ne savait pas.
Depuis ce temps là, chaque journée n'était plus qu'une froide journée en enfer …

Fixant son verre de whisky encore assez rempli, il se dit qu'il avait peut être tout perdu, au lieu de tout gagner, qu'en venant ici, il avait détruit le peu de lien qui lui restait encore avec Delacour, et qu'après tout, lui courir après n'était peut être qu'une chimère pour justifier sa tristesse, une illusion voulue pour ne pas sombrer dans ce qu'il était vraiment destiné à être, un moyen pour lui, de se raccrocher, à ce qui fut une gloire éphémère, et les meilleures années de sa triste vie.
Il avait encore souvenir de ce temps là, le morceau qu'il avait en tête alors qu'elle s'éloignait de sa vie, un piano … tout a coup, l'ambiance du bar s'évapora autour de lui, pour ressembler à ce morceau, pour visualiser cet adieu … pour que tout ne devienne que ce qu'était autrefois … nostalgie encore et encore, tombant dans les méandres de son esprit, il s'enfonça petit à petit dans une visualisation de tout ce qu'était sa relation avec elle.

Puis cela tourna autour de lui, la froide mélodie mentale, animée par un être du froid, ne pouvait que faire renaître en lui son coté glacial, ce qu'il y avait peut être de meilleur en lui.
Elle était là à ses débuts d'élémentaliste, elle l'avait incité à devenir ce qu'il était aujourd'hui, et une fois partie, il avait continué seul, pour le rester, cultivant lui même cette magie, devenant l'expert en givre qu'il était, faisant de lui un des rares sorciers à posséder cette affinité si rare et particulière, maintenant, il était seul … désespérément seul.

Son regard sortit de ce flou, pour se poser sur celui d'Emily.
Les yeux de Tryan avait changé, ils avaient retrouvé ce froid naturel, reflet de son âme et de sa magie, ce froid qui glaçait le sang à plus d'une personne, la demoiselle ne semblait pas l'avoir vu, sans doute trop occupée à faire face à l'alcool qui montait en elle, ou pas, d'ailleurs, le français n'en avait rien à faire, mais ce regard en disait long.
Il la comprenait, peut être plus que n'importe qui, Tryan comprenait bien des choses, mais cette gamine, il pouvait la percer, la briser, la détruire, la porter, la sublimer … comme un artiste modèle son œuvre, il pouvait comprendre ce qu'elle ressentait, ce qu'elle vivait ou avait vécu, son esprit lui paraissait clair, pas besoin de légilimancie pour s'y introduire, non, il connaissait les ficelles de ce genre de caractère, de ce genre de pensées, au fond, il la jalousait presque.
C'était débile, mais c'était presque ça, elle avait la chance de pouvoir avoir quelqu'un pour la porter, pour l'aider, alors que lui … lui il avait trimé seul.
Peut être pour ça que De SaintClair ne prendrait jamais d'apprentis, par jalousie … condamné à être seul, encore et toujours.

-Vous avez des parents, monsieur ?

Il ne leva pas les yeux de son verre.

« Comme tout le monde ... »

La réponse était froide et coupante, et n'avait rien de satisfaisante, il éludait la vraie question. Il était évident que tout le monde en avait, des parents biologiques.
Il vida l'entièreté de son verre d'un coup, un cul sec et un levé de coude dignes d'un vrai buveur, avant de fixer la demoiselle et de laisser un blanc d'une minute avant de répondre à un autre problème auquel elle n'avait pas du faire attention.

« Ne m'appelez pas monsieur, Emily … le vouvoiement pourquoi pas, mais nous ne sommes pas au ministère, alors Tryan suffira ou De SaintClair, si vous trouvez cela plus correct. »

Puis il soupira.

« Mais ça ne répond pas à votre question … »

Une esquisse d'un sourire en coin passa sur son visage, ce n'était pas de l'amusement, ni du sadisme, encore moins du narcissisme, non, c'était autre chose, de plus profond.

« Non je n'ai pas de parents … c'est peut être pourquoi j'arrive à vous comprendre. »

La voix était froide sans être désagréable, en réalité, il considérait qu'il avait un père, Eris, mais c'était différent, elle aussi avait un père, mais un père absent, tout comme Tryan, Eris lui avait tendu la main, l'avait presque éduqué, fils de cœur et fils d'esprit, cousin dans le sang, il ne pouvait l'appeler père, non, c'était bien plus que ça.
Elle ne pourrait pas le comprendre, Tryan était l'orphelin d'un grand clan, le dernier ou presque à pouvoir prétendre justement s'appeler SaintClair, il était plus que tout ceux de sa génération, plus que tous les SaintClairs qu'il avait connu, d'un autre bois, d'une autre magie, plus puissante que celle que l'on pouvait voir actuellement.
Il n'avait jamais considéré ses géniteurs comme ses parents, et se retint de le préciser, elle comprendrait bien ce que cela signifiait, cette identité qu'il avait, n'était peut être qu'un nom sans réel importance ici, en Angleterre ou au Royaume-Uni, mais en France, c'était synonyme de bâtons dans les roues.

En tant que Directeur du Rccm, il avait accès au fichage de ses employés, et comme il avait été directeur de la commission du sang, la chose était simplifiée, il avait lu, ce qu'il y avait sur elle, mais n'y avait guère porté attention, il savait, mais ne jugeait point, ce n'était pas de son droit.
Il l'avait sous-entendu dans la fin de sa phrase, il connaissait tout d'elle, ou presque, et si elle avait envie de parler, rien ne l'empêchait de le faire, mais non … ce n'était pas dans son genre, elle était plus curieuse des autres que d'elle même, ce qu'elle voulait sans doute, c'était sonder l'insondable, cerner quelque chose qui la dépassait de loin, comprendre plus puissant qu'elle, ce n'était pas un défaut pour Tryan, au contraire.
Lui répondrait, ou écouterait, en fonction de ce qu'elle avait à dire, mais en aucun cas, il ne lui dévoilerait de lui même sa vie, il en était ainsi avec lui.

C'était là le signe d'un homme seul depuis peut être trop longtemps déjà, caché derrière sa forteresse de glace ...