Ça pourrait être la fin. Oui. Je pense que ça pourrait être la fin. Et je ne suis pas effrayé de mourir, les choses se feront, je m'en fiche. Pourquoi devrais-je être effrayé de mourir ? Il n'y a pas de raison à cela, des fois il est juste temps de partir. Je saurais exactement quoi faire. Tout sera à nouveau comme je le voulais. John Mulciber rêvait de partir comme cela, depuis toujours, les armes à la main, parce dans l'œil de la tempête il n'y pas de bien ou de mal et qu'il n'aurait pas le temps de se justifier, de penser, de se voir mourir, il comprendrait simplement, dans un instant intense de lucidité, que c'était fini. Peut-être que ce serait la fin du monde. Peut-être que tout ce qu'il aimait et qu'il comprenait allaient le lâcher. Cela devait être l'air du combat ; il comprenait mal ce qui se passait. Fais le bilan John. J'ai perdu mon argent et ma gloire, les jetant par les fenêtres juste pour prouver que je le pouvais. Je suis le dernier dans mon genre. Et ce n'est pas la fin du monde, oh non. Ce n'est même pas la fin de la journée. Il y avait de quoi rire, il y avait de quoi pleurer. Tout ça pour en arriver là, encore, pour en revenir là, même, car le terme finalement, de retour était plus exact.

Socia. Qui l'aurait cru ? John pensait le problème réglé, terminé, depuis longtemps, il tenait Sheldon pour un lâche, un minable. Il s'était tellement habitué à le martyriser qu'il ne pensait pas qu'il pouvait en être autrement. Il croyait réellement qu'il pouvait tuer toute vélléité, chez un type comme lui, de lutter. Mais il se plantait. C'était pourtant une bonne idée au départ, mais John Mulciber ne pouvait pas concevoir que cette humiliation pourrait causer autre chose que la destruction du mental de Sheldon. Il ne pouvait pas comprendre. Personne ne lui avait résisté, personne n'allait jamais contre les idées qu'il avait. Il relâchait peut-être trop sa vigilance... Pendant que nous dormions, le monde a changé, pendant que nous dormions la nuit est devenue aube. Il ne reste rien des plans que nous avons fait. Seulement un avenir parallèle à affronter...

Est-ce qu'il allait mourir ? Non. Jamais, jamais, il n'était mort. L'aube se léverait à nouveau, avec le même goût de sang que d'habitude. Demain arriverait, John avait confiance, il dirait au revoir à hier d'un signe de la main et se souviendrait d'aujourd'hui avec lucidité. Eh bien, demain, tu peux venir aussi rapidement que tu peux, parce qu'aujourd'hui a été beaucoup trop loin pour moi, mon vieux. Je vois des visages, ils rient et ils pleurent : c'est peut-être ma propre gueule. Il se demandait beaucoup de choses, pourquoi il avait mal, notamment, pourquoi de plus en plus, il jugeait tout ce qu'il faisait inutile et fastidieux, et pourquoi il continuait à le faire alors qu'il était voué à disparaître.

John Mulciber était un connard, mais il était franc, ne masquait jamais ce qu'il pensait, il parlait clairement, honnêtement. Parler franchement nous a amené si loin, parler franchement nous a tant servi. Nous avons voyagé à travers l'Enfer, pendant si longtemps, et maintenant, oh, comme nous tombons de haut ! Ca nous a ruiné, en réalité, ça nous a détruit. Nous ne savons pas comment c'est arrivé, mais c'est plus agréable que le doute. Ça nous rend courageux, si forts et si froids. A parler franchement, je me sens si vieux qu'il faudrait que tu m'aides à me relever. Pour aller plus haut encore...

Pour aller où ? Ca ne les menait nulle part, il fallait bien l'admettre. Sheldon était un minable qui n'avait plus le niveau pour le battre, mais malheureusement, John non plus n'y arrivait plus. Ils étaient devenus vieux, et c'était ça le plus terrible. Parce que ça ne servait plus à rien, ils jouaient une partie terminée depuis longtemps...

« Faire à ta manière ? Quelle manière ? Perdre, encore ? Regarde nous. On ne rime plus à rien. Surtout toi...Moi, je philosophe peut-être trop, c'est vrai, mais je suis dans le camp des vainqueurs. »

Oui, mais pour combien de temps ? Peut importait. Il était une brute, un dinausaure, mais jamais personne ne viendrait à bout de lui.

Du moins il le croyait.