Lorsqu'Hélène avait reçu la lettre, elle se trouvait dans la Grande Salle de Poudlard pour le petit-déjeuner. La rentrée venait de se faire quelques temps auparavant et la jeune femme devait bien avouer qu'elle ne s'attendait pas à recevoir sa convocation à ce moment-là. En plus, cela faisait déjà un moment qu'elle avait envoyé la demande. A vrai dire, elle n'espérait plus de réponse à ce sujet. Hélène avait même commencé à rédiger une nouvelle demande pour l'envoyer à nouveau au Ministère. Mais bon, elle devait se rendre à l'évidence, cela ne servait plus à rien. Comme à son habitude quand elle recevait un courrier, Hélène n'avait rien montré de ce qu'elle pouvait bien en penser. Pourtant, une pointe d'inquiétude avait piqué son coeur. Elle postulait pour le statut de Sang-Mêlée, rien ne pouvait réellement la mettre en danger. Elle n'avait rien à cacher, son sang était bel et bien mêlé, mais cela ne l'empêchait pas d'éprouver une certaine crainte à l'idée de passer un entretien avec un des membres du Ministère.

Quelques jours après la réception de la lettre, Hélène se présentait à Buckingham Palace. Elle était seule et elle devait bien l'avouer, elle aurait aimer avoir quelqu'un avec elle pour une fois. Il suffisait que la personne lui faisant passer son entretien soit de mauvaise humeur pour qu'elle se retrouve six pieds sous terre, elle en avait conscience. Pour une fois, elle avait pû réfléchir avant d'être confronté à la situation, ce qui lui permettrait sans doute de pouvoir se gérer si jamais l'entretien tournait plus ou moins mal. Secouant légèrement la tête, Hélène s'arrêta devant le bureau à l'entrée. Un homme tendit la main et, à contre coeur, Hélène se débarassa de sa baguette. Depuis ce qu'il s'était passé durant les vacances, elle ne s'en séparait plus une seule seconde. Même sous la douche, elle l'avait avec elle, protégée par un sortilège et s'en séparer lui procurait maintenant un sentiment de malaise et d'insécurité.

Une fois sa baguette déposée, on lui indiqua le chemin pour se rendre à l'endroit où on la recevrait. Hélène devait bien l'avouer, se balader toute seule dans ce genre d'endroit avait franchement quelque chose d'intimidant. Etre entourée de tous ces adultes, de tous ces gens qui évoluaient dans la vie active, cela avait quelque chose de franchement déconcertant. A Poudlard, ils étaient quand même relativement éloigné du reste du monde. Ils étaient préservé dans un envirronement uniquement scolaire, même si le but de tout ça était de les préparer à rentrer dans... ça, pensa Hélène en regardant tout autour d'elle. La jeune femme réalisa alors qu'elle se trouvait au bon endroit et, en attendant que l'heure de son rendez-vous arrive, elle s'appuya contre le mur, en face de la porte qui devait sans doute mener aux bureaux. Pour patienter, Hélène sortit une nouvelle fois les papiers nécessaire à sa validation de son sac et les consulta. Il y avait son certificat de naissance, ainsi que celui de scolarité, et les certificats de naissance, scolarité et travail de sa mère. Son père était inutile pour ce cas-là. Un Moldu n'intéressait personne au Ministère. Seule sa mère pouvait attirer une quelconque attention. Hélène espérait franchement que cela marcherait comme il le fallait.

- Il le faut... murmura-t-elle en regardant la photo de sa mère nécessaire au dossier.

Soudain, elle se fit appeler par une secrétaire et, rangeant précipitamment ses papiers, se dirigea vers le bureau que lui avait indiqué la femme. Lorsqu'elle arriva devant le bureau, la secrétaire la fit entrer, lui indiquant que la personne en charge de son dossier n'allait pas tarder à arriver. Ce n'était pas pour rassurer la jeune femme qui, prenant place dans un des fauteuils, essaya de se calmer. Son coeur palpitait à cent à l'heure et Hélène tentait tant bien que mal de conserver un visage totalement neutre. Etre stressée ne servirait à rien pour le coup, sauf à compliquer l'entretien. Hélène avait souvent tendance à devenir agressive lorsqu'elle paniquait et devenir agressive envers un membre du Ministère, ce n'était pas la meilleure chose à faire.

Quelques minutes après qu'elle ne soit entrée, un homme pénétra à son tour dans le bureau. Hélène le regarda faire, n'osant rien dire. Lorsqu'il s'installa derrière le bureau, Hélène se redressa dans son fauteuil et se présenta.

- Hélène Hartcher. Je suis une élève de sixième année au collège Poudlard, à Serdaigle. Je prétends au titre de Sang-Mêlée. Mon père est un Moldu, et ma mère était une Sorcière. Elle a étudié à Poudlard, à Gryffondor, ajouta-t-elle en sortant les papiers de son sac. Elle travaillait en tant que journaliste à la Gazette du Sorcier.

Elle ne pouvait pas faire plus. Maintenant, tout était entre les mains de l'homme en face d'elle. Il pouvait décider que tout était en règle et la laisser partir, ou alors, il pouvait penser tout le contraire et compliquer les choses. Cela dépandait de plusieurs choses. Son humeur, tout d'abord, ainsi que l'impression qu'elle lui avait fait, de son dossier... Tout pouvait entrer en compte. Et là, elle ne pourrait pas s'en tirer en plaçant une bonne répliquer bien sentie au bon moment pour l'achever et prendre la fuite discrètement.

Non, là, il lui faudrait assumer. Quel que soit le choix.

Il n'avait fallu à cet homme que quelques secondes pour susciter chez Hélène une profonde aversion. Déjà, si l'on ne tenait compte que de la façon dont il lui avait parlé, il y avait de quoi être irrité, du moins, pour la jeune femme. Si l'on rajoutait en plus de cela le manque de respect qu'il avait pour sa secrétaire - qu'Hélène plaignait sincèrement - il y avait vraiment de quoi le voir d'une façon peu avenante. Mais, la chose qui l'avait fait se crisper tout entière, la chose qui faisait que sa main froissait les papiers qu'elle tenait sous une poigne de fer, c'était ces quatre petits mots lâchés sans aucune once de remords.

Traitresse-à-son-sang.

À l'entente de ces mots, Hélène avait senti son sang se figer dans ses veines, son cœur s'arrêter, puis tout était reparti d'un coup. Elle sentait maintenant son cœur battre à toute allure tandis que la colère se distillait rapidement dans tout son corps. Elle savait, en arrivant, qu'elle avait une chance sur elle ne savait combien de tomber sur une personne bien pour sa commission. Apparemment, elle l'avait loupé, sa chance. Et maintenant, ses bonnes résolutions s'effaçaient de son esprit. Elle ne pensait plus à conserver son calme, à être polie et neutre. Non, plus rien ne parvenait à l'atteindre. Une minuscule partie de son cerveau luttait encore contre l'envahisseur pour tenter de lui faire recouvrer son calme, mais c'était loin d'être concluant et Hélène se sentait trembler de la tête aux pieds. De rage, bien entendu.

Sa mère était un sujet sensible et gare à celui qui parlait mal d'elle. Pour Hélène, il n'y avait pas femme plus forte et noble qu'elle sur Terre. Elle lui vouait une admiration et un amour sans borne. Elle ne supportait pas que quiconque puisse en dire du mal, de quelque façon que ce soit. Mais là, elle allait devoir contenir la colère, elle le savait au fond d’elle. Bien que ce fût une pensée qui commençait à sombrer sous l’assaut de la haine.

En fait, depuis longtemps, Hélène ne connaissait d’autre sentiment que celui-là. Elle n’arrivait plus, ou très difficilement, à être joyeuse, ou enjouée, ou tout autre sentiment autre que la colère, la tristesse et, parfois, le désespoir total. Elle était en colère, constamment, contre son père, sa nourrice, et tous les autres en général. En fait, sa colère ne disparaissait jamais vraiment. Elle diminuait, tout au plus, et il suffisait d’une étincelle pour la raviver.

Aujourd’hui, cette étincelle portait un nom. Stanley Hodge. Et c’était l’étincelle la plus dangereuse qu’elle n’ait jamais affrontée. Il allait lui falloir toute la concentration dont elle pouvait faire preuve pour se sortir de là sans trop de dommage.

Ou, du moins, pour sortir de là tout court.

La jeune femme retrouva un semblant de clarté dans son esprit lorsque l’homme en face d’elle lui demanda de quelle façon sa mère était morte. Une fois de plus, tout en elle se crispa. Sa mère était vraiment un sujet compliqué pour la jeune femme. Sa mort encore plus.

Sa mère était morte lors de la bataille de Poudlard. Elle combattait les Mangemorts. Elle avait fait partie de ces quelques personnes qui, pour assurer un avenir meilleur à leur famille, avaient pris les armes et s’étaient battues. Comment dire ça à un Mangemort qui n’avait aucun remords à utiliser les mots « traitre-à-son-sang » sans passer par la case «  mort » ? C’était une question qu’Hélène était en train de se poser très franchement. Si elle ne trouvait pas une façon correcte de formuler ce fait, elle était bonne pour ne plus jamais revoir la lumière du jour. Rapidement, Hélène se mit à passer en revue toutes les issues possibles. Dire la vérité ? Non, beaucoup trop dangereux. Elle tenait quand même à la vie. Mentir ? Tss, mauvaise idée aussi. Elle n’était pas assez bonne menteuse pour parvenir à berner un membre du Ministère. Elle le savait, en était consciente. Ce n’était pas une bonne idée de la provoquer. Même si une envie folle la démangeait de tout lui balancer à la figure, juste pour voir sa réaction. Mais bon… Sa petite expérience de la perte de mémoire et de son petit séjour à l’hôpital avait considérablement refroidit ses ardeurs. Pour quelques temps, du moins. Donc non, pas de mensonge. Détourner la conversation ? Ouai, et pourquoi pas tenter de lui balancer son sac à la figure pendant qu’elle y était ? Non, décidément, elle ne voyait pas comment faire… Le mensonge semblait être la meilleure option, aussi cela ne la rassurait-elle pas vraiment.

Alors que quelques minutes s’étaient écoulées en silence, l’homme en face d’elle relança sa demande. De toute évidence, il attendait une réponse. Immédiatement. Hélène sortit la première chose qui lui vint à l’esprit.

- Ma mère est morte durant la guerre.

Est-ce qu’elle avait précisé qu’elle était très douée pour se foutre dans la merde ? Même si c’était plutôt quelque chose d’évident. Et dire qu’elle était à Serdaigle… Ah ça, l’intelligence, elle l’avait. En cours, elle était vachement douée. Des O un peu partout, parfois des notes légèrement en dessous, mais dans l’ensemble, Hélène était une excellente élève. Par contre, dès qu’on mêlait un quelconque sentiment à sa réflexion, son esprit critique disparaissait totalement. Il n’y avait alors plus aucuns filtres pour trier les idées qui lui venaient à l’esprit et tout sortait, comme ça, sans qu’elle ne réfléchisse à quoi que ce soit. C’était plutôt problématique, surtout quand elle se retrouvait dans une telle situation. Ce qu’il lui restait à faire, maintenant, c’était de se sortir de ce merdier. Il allait falloir qu’elle trouve une explication plausible à cette affaire, sinon… voilà quoi.

- Ma… ma mère était journaliste. Une journaliste sur le terrain, pour la Gazette. Je… je ne connais pas les circonstances de sa mort, bredouilla-t-elle, tentant de faire passer son mensonge bancale pour une grosse montée de tristesse. J’étais très jeune à cette époque-là et mes parents avaient décidé de m’envoyer à la campagne pour me protéger. Je n’ai jamais su comment elle était morte, mon père a toujours refusé de me le dire…

Maintenant, il n’y avait plus que deux solutions. Soit Stanley Hodge la prenait pour une petite garce attristée par la mort de sa mère traitresse-à-son-sang et c’était tout, soit il voyait clair dans son mensonge, et alors là… Hélène ne préférait même pas imaginer ce qu’il risquait de se passer. Mais de toute façon, elle ne pouvait plus revenir en arrière.

Il fallait laisser faire le peu de chance qu’elle avait encore, c'était maintenant la seule chose possible...