Pour ce jour d'inauguration, Drago s'était mit sur son trente-et-un. Contrairement à son père, il n'avait pas souhaité porter une robe de sorcier. Il préférait se vêtir d'un costume noir, sobre et élégant, qui lui ressemblait plus. Il n'écoutait que d'une oreille ce que le Ministre annonçait, se concentrant plutôt sur son objectif de la journée : éviter les débordements et surveiller les Merlinistes. Se tenant non loin de son père, étant l'une des figures les plus importantes des puristes, il avait repéré au premier rang un petit groupe du Mouvement pour Merlin. Il avait totalement validé la décision de les installer à l'avant, là où ils pourraient être tenus à l’œil. S'ils n'étaient pas trop idiots - et ça, Drago en doutait - ils se tiendraient tranquilles et écouteraient ce que leur Ministre avait à dire.

Quand le discours fut terminé, Drago applaudit son père avec un grand sourire satisfait. Il était persuadé que Paul Fawley allait gagner les élections, et qu'il n'y avait pas meilleur homme que ce dernier. Il avait l'expérience et les convictions que portaient le parti, il ne pouvait que le soutenir. Il vit Aaliyah s'approcher de lui, certainement pour lui faire son compte-rendu de la situation. Ils s'étaient déployés pour assurer la sécurité au sein de la banque. Même si la foule n'était pas aussi nombreuse que pour l'annonce de la réouverture de Poudlard, il était souhaitable d'éviter une pareille situation.

Il hocha la tête tandis qu'Aaliyah lui faisait son rapport. Pour le moment, l'assemblée était plutôt calme et ils avaient intérêt à ce qu'elle le reste. La mère de Blaise était peut être l'une des seules Sang-mêlées, avec son fils, pour qui il avait un peu de considération. Il se comportait toujours comme son supérieur mais s'adressait à elle avec plus de nuance que les autres. Peut être parce qu'elle lui faisait un peu peur, ou bien qu'elle savait imposer un respect.

▬ Vous avez bien fait, c'est une véritable plaie ce type. Rien non plus par ici. Mais je garde à l’œil Harper et sa petite bande, ils ne m'inspirent jamais rien de bon ces Merlinistes.

Il lui désigna le petit groupe non loin d'eux. Drago connaissait bien sûr Harper, étant l'un des personnages important du Mouvement pour Merlin. Et autant dire qu'il ne l'appréciait pas, ce qui était certainement réciproque. De tête, il en reconnu d'autres, mais il ne s'attardait pas vraiment sur les noms qu'il considérait comme non utiles. En fait, il se fichait bien de savoir qui ils étaient, tant qu'ils ne leur mettaient pas des bâtons dans les roues. Ce qu'aucun Merliniste ne semblait savoir faire.

▬ Il va falloir serrer des mains, fit-il d'un air amer. Ça ne m'enchante pas mais il faut faire bonne figure si nous voulons convaincre nos électeurs.

Il fit un sourire forcé mais plutôt convainquant à ceux qui s'approchaient de lui. Il voulait avoir l'air sûr de lui - ce qu'il était tout compte fait - et paraître sous son meilleur jour pour les photos. Si les journalistes attendaient de pouvoir venir le questionner, ils ne se privaient pas de mitrailler de leurs flashs toutes les figures importantes de la salle, et les deux Puristes n'y échappèrent pas.

Il y avait une sacrée animation sur le Chemin de Traverse ce jour là. Un sacré nombre de gens de la police magique, aussi. Nelson Northanger écrasa sa cigarette et se décida à rentrer lorsqu'il vit deux mangemorts masqués dans la rue. Il poussa la porte de la boutique et prit une veste pour sortir, lançant à un de ses employés qu'il reviendrait dans une heure ou deux. Il traversa la rue vers Gringotts, se faisant discret. Il ne comprenait pas bien comment les gens pouvaient se réjouir, l'ambiance était plombée. Mais peut-être était-il le seul à le voir, il ne savait pas trop. Sonny était philosophe, là-dessus. Les gens voyaient ce qu'on leur vendait.

Il y avait un tas de monde quand il arriva à Gringotts. Des puristes, et encore des puristes, et des tas de gens qu'il ne connaissait pas. L'ancien auror, mal à l'aise, fendit la foule à la recherche des membres du MpM qui avaient dit qu'ils seraient présents. Il ne serait pas venu sans ça : ce genre de manifestations, très peu pour lui, il n'avait aucune envie de fréquenter les officiels de Force Puriste. Nelson ne les connaissait pas, mais son a priori était moyennement bon. Voire carrément mauvais. Quelqu'un finit par l'interpeller. Harper, le porte-parole du Parti. Il lui adressa un sourire : Charles était un type bien, malgré son pacifisme reluctant. Nelson n'était pas quelqu'un de violent, mais son engagement dans l'Ordre et sa vision des choses, pragmatique, tirée de son expérience des deux guerres sorcières, le poussait à croire qu'une sortie de crise pacifique était impossible. Autant dire que la vision très politique de Charles lui semblait un peu naïve, mais Harper était bien attentionné et droit. Ils travaillaient plutôt en bonne intelligence, Sonny s'impliquant beaucoup pour tracter, inscrire de nouveaux membres, ou faire des collecte à l'occasion.

« Ils sont vraiment sur les dents, aujourd'hui, c'est terrible. »  Il aperçut Juliet de l'autre côté et la salua également : « Jule, comment ça va ? La manif à Edimbourg s'est bien passée ? » On embraya sur les festivités. Nelson eut un sourire un peu forcé : « Disons qu'on a réquisitionné le club. Je n'ai pas vraiment eu le choix. »

Déjà, le discours commençait. Il n'en fallait pas plus à Harper, à côté de lui, pour ironiser sur la situation. Northanger eut un léger sourire, et fut aussi un peu déçu que ce soit Fawley.

« C'est dommage, ce n'est pas un mauvais gars, je pense...mais je me demande ce qu'il vient faire dans toute cette histoire, ce n'est pas un politique. »  Il haussa les épaules, les motivations des puristes lui échappaient totalement. « Est-ce qu'on est vraiment obligé d'aller saluer ces gens si on a aucune responsabilité au parti ? Je ne veux pas passer pour un lâcheur, mais moins je fréquente Chapman Rosier, mieux je me porte. » Sans parler de ce crétin de Monty Ballero, qui avait été dans la même promo que lui à Poudlard, qui se pensait encore être son ami depuis qu'il était venu inspecter le club, et qui se dirigeait justement par ici. « Oh non. Juliet, planque moi, Monty Ballero tient absolument à me parler. » Il déclara d'un ton flegmatique et blasé. « Je me demande si je ne vais pas carrément partir. Voilà aussi Aaliyah Zabini, mieux vaudrait s'éclipser. »

Qu'est-ce qu'il était censé dire à tous ces gens, lui ? Les mondanités puristes ne faisaient clairement pas partie de son univers.

Le jeune puriste acquiesça. Même si ça lui faisait mal de l'admettre, Aaliyah avait raison. Il était préférable de bien se comporter et de sourire avec hypocrisie à leurs opposants politiques. De toute manière, aucun des deux camps n'avait envie de copiner avec l'autre, mais au moins ils gardaient une bonne image et évitaient du grabuge.

Une fois les journalistes et photographes partis vers une nouvelle victime, Drago se tourna vers le petit groupe de Merliniste. Mais avant de pouvoir proposer à son acolyte d'aller faire bonne figure en leur serrant la main, un nouveau pion entra en jeu. Autant le dire, cela n'arrangeait mais alors vraiment pas le Mangemort. Quand il se retrouva nez à nez avec Athénaïs, un éclair de panique traversa ses yeux, avant de se ressaisir. Là, il n'avait qu'une envie : Fuir. Le pire dans tout ça, c'est que les deux femmes semblaient se connaître. Quel pétrin.

▬ Un peu, fit-il en balayant la question d'Aaliyah de la main.

Il n'allait certainement pas s'étaler sur le sujet, et plus vite il se débarrasserait d'Athénaïs, mieux il se porterait. Il essayerait de ne pas vexer la demoiselle, sans quoi ses projets avec elles couleraient à l'eau. Dans le pire des cas, et bien tant pis, il passerait à quelqu'un d'autre.

Il fit de gros yeux quand Aaliyah proposa l'absurdité du siècle à la jeune femme. Même s'il savait que la proposition n'intéresserait pas Athénaïs, il ne pu s'empêcher de se demander si Aaliyah le faisait exprès, ou savait quelque chose qu'elle n'aurait pas dit. Il se retint difficilement de faire une grimace. La situation était déjà bien assez compliquée pour qu'en plus Athénaïs traîne dans ses pattes au siège puriste.

Il fut soulagé - à moitié, il n'était pas encore tiré d'affaire - lorsque la veuve noire décida qu'elle avait à faire ailleurs. Au moins, il pourrait se débarrasser de la jeune femme discrètement et avec un minimum de douceur. Il se tourna vers elle et fixa son regard dans le sien. Il préféra de pas être trop proche d'elle, et garder une posture professionnelle. Au moins si l'on regardait dans leur direction, l'on penserait à un échange cordial.

▬ Ecoute... Heum... Moi aussi je suis heureux de te revoir Athénaïs, bredouilla-t-il en cherchant ses mots. Mais je ne vais pas avoir de le temps de discuter. Tu comprends, je travaille et je ne dois pas me laisser aller.

Il n'avait pas le temps pour s'occuper d'elle ou penser à ses projets de conquêtes. Il appréciait qu'elle se comporte en sangsue - au moins elle s'était attachée à lui - mais alors certainement pas en public. Il se redressa et s'apprêta à prendre congé, mais son regard se perdit dans les courbes de la jeune femme, mises en valeur par son petit tailleur.

▬ Au fait, ta tenue te va bien, lui dit-il avec un léger sourire. Je dois te laisser, on se contacte.

Il lui fit un petit signe de tête poli, et s'éloigna aussitôt. Plus il serait loin d'elle moins elle attirerait l'attention. Il croisa Nick Davis sur son chemin, lui parlant à voix basse quand il passa près de lui.

▬ Davis, surveillez les Merlinistes de loin, tenez moi au courant si vous suspectez quelque chose.

Puis il le laissa faire son travail, se faisant interpeller par un citoyen qui vint lui serrer joyeusement la main.

Les mondanités, si elles étaient nécessaires, n'étaient guère la tasse de thé de Chapman Rosier, même s'il fallait bien admettre que peu de choses étaient véritablement sa tasse de thé. Mais voilà, il fallait faire bonne figure pour le parti, pour la cause. Si bien qu'il se retrouvait à faire acte de présence à l'inauguration de festivités auxquelles il ne participerait pas, sinon en ce qui concernait l'aspect politique : Chapman Rosier, n'était, de nature, pas un homme très festif. Sa participation se limitait à la sécurité, un véritable casse-tête que ne prenait absolument pas en compte, évidemment, Lucius Malefoy quand il décidait de lancer ses petites imbécillités. Seule l'élection rattrapait le tout. Installé entre ledit Fawley et Harry Cole, il écoutait le discours de Malefoy, lui portant un intérêt relatif, jaugeant plutôt la salle de son habituel air sévère, scrutant les merlinistes avec attention. Les consignes étaient celles d'un encadrement ferme, aucun débordement toléré, présence policière maximale, mais aussi d'éviter au maximum les violences et incidents. Dans ce contexte tendu, il ne voulait pas leur donner du grain à moudre. Il repéra Harper, ne reconnut pas les autres, avec lui, et se pencha vers Cole :

« Qui sont les gens avec Harper ? 
- Hm, attendez voir. » Cole jeta un œil au public. « Je vois MacAlister, agitateur notoire, mais pour l'instant Harper le tient. Juliet Birch, elle travaille ici. Lui, c'est Northanger, on a réquisitionné son club pour le tournoi de duel.
- Le mari de Laura Northanger ? Ah tiens. Je pensais qu'on l'aurait recasé à Azkaban, celui là. »

Déjà, Malefoy évoquait son rôle dans l'organisation de la fête. Chapman soupira, daigna lever une main en guise de salut. Le discours se termina sur un appel à voter Fawley. Il applaudit également et serra la main de ce dernier de façon ostensible, lui souhaitant bon courage, les journalistes s'en donnant à cœur joie pour photographier tout cela. Il serra la main du Ministre, de Yaxley, puis se dirigea vers vers Drago,

« Ah, Drago, je te cherchais. La sécurité va pour le mieux, je crois que ce sera un succès. »

Il n'en pensait pas un mot, les paroles étaient entièrement mécaniques, répétées, usées. Les journalistes, les apercevant, se mirent de nouveau en tête de faire des photos. Chapman reprit d'un ton plus sévère.

« Mademoiselle Moreau, j'ignore totalement ce que vous faites là, mais je doute que les journalistes s'intéressent à vous. C'est assez pénible comme ça, ne vous placez pas en plein milieu de l'objectif. »

Patron odieux, il l'était dans le cadre du travail. Hors heures professionnelles, il l'était aussi, d'ailleurs. Il ignorait totalement pourquoi Athénais Moreau était là, il s'en fichait éperdument, il faisait juste ce qui était nécessaire – autant ne pas se laisser ennuyer par une stagiaire en plus.

« Je vais aller m'enquérir de l'opposition. Au plaisir, Drago. »

Croisant un masque de mangemort qu'il reconnut comme étant Adrian sur son chemin, il lança :

« Rosier, cessez de déambuler comme un perdu parmi la foule. Allez donc surveiller d'un peu plus près M. Fawley, je ne voudrais pas qu'un merliniste l'ennuie. »

Ils ne parlaient absolument plus dans le cadre familial. Dans le cadre professionnel, il restait le chef. Un chef qui faisait très bien mine d'ignorer totalement son lien de parenté avec son petit-fils. Il se dirigea ensuite vers le groupe merliniste.

« Alors, Harper, tout se passe bien ? »  Il eut un sourire froid. « C'est tout de même mieux quand vous tenez vos troupes, non ? »