- Spoiler:
J'ai relu rapidement, j'espère qu'il n'y a pas de coquilles ! Sinon envoyez un mp (and send nudes)
Le Manoir des Nott était un petit bijou resté intact malgré des siècles d’héritages contestés et de guerres entre sorciers. Comme si toutes les parties acceptaient de respecter les nobles et très anciennes demeures des familles de Sang-Pur les plus respectées, ils les avaient rarement attaquées. Elles n’étaient d’ailleurs pas spécialement des endroits stratégiques à conquérir puisqu’elles se trouvaient généralement au milieu des campagnes du Royaume-Uni. De plus, elles comportaient toujours d’antiques maléfices et sortilèges qui les protégeaient plus que la chaumière du sorcier moyen.
La quiétude de ce lieu, un peu reculé dans le Pays de Galles, tranchait avec l’agitation qui gagnait souvent Poudlard lorsque le jeune Nott y étudiait, mais également avec celles des rues pavées du Londres magique souvent en proie aux bruits, conversations, explosions en tous genres. Là, ils ne souffraient d’aucun dérangement, d’aucune sorte. Evidemment, la famille avait quelques autres propriétés réparties dans son pays d’origine, mais aucune n’égalait vraiment le Manoir. Theodore n’avait jamais vraiment considéré l’idée de le quitter pour suivre son frère à la capitale après avoir quitté le Château. Se retirer de ces lieux ne lui disait rien qui vaille, et le travail permanent de son père auprès des forces des Ténèbres lui laissait un répit plutôt positif. Depuis Edward Nott paraissait retiré dans une forme de mutisme que Theo ne lui connaissait pas ; il ne pestait plus contre son fils, lui donnait de moins en moins d’ordres et avait renoncé à toute punition au fur et à mesure que le jeune sorcier avait gagné en autonomie – et cela était arrivé rapidement. Sa violence elle-même semblait décroître, bien que l’ancien Serpentard sût parfaitement que cela n’était qu’un trompe-l’œil et que la potion bouillonnait toujours sous le couvercle. Quant à l’alcool, il paraissait faire des ravages chez beaucoup des serviteurs du Seigneur des Ténèbres.
Theodore avait appris peu à peu à aimer cet endroit ; cela ne semblait pourtant pas difficile, car le jardin comportait de nombreuses cachettes et s’étendait dans tous les sens depuis le bâtiment. Par certains côtés, la maison se rapprochait plus du château que de la simple maison. Les pièces se multipliaient de chaque côté de plusieurs couloirs, les étages s’additionnaient les uns aux autres, la cave égalait le grenier en largeur. Chaque embrasure de porte était magnifiquement décorée et passer d’une pièce à l’autre vous laissait le joli sentiment d’être un petit prince. Pour autant, les décorations de la demeure semblaient sobres à côté de ce qu’elles auraient pu être. Les Nott ne faisaient pas dans la dentelle. Au sens propre du terme.
Le Manoir n’était pas fait pour être montré ou pour recevoir ; l’architecture générale de l’ouvrage rendait le tout sinueux, plein de secrets, à l’image de cette famille mystérieuse. L’ambiance qui y régnait n’était pas très chaleureuse ou confortable mais les deux frères apprirent rapidement à y vivre avec leur père. Theodore appréciait les espaces de travail que lui conférait le Manoir, ce qui lui permettait d’étudier et de s’entraîner seul.
Le jeune sorcier occupait nonchalamment un beau siège en bois poli, ses fesses posées sur un petit coussin rouge. Il mâchouillait une plume d’un air pensif, légèrement penché sur son bureau.
Quelques parchemins et différentes revues gisaient par terre. Un amas de livres et de manuels s’écroula sur le sol lorsque le jeune sorcier voulut retirer un ouvrage au milieu de la pile. On pouvait y lire des titres évocateurs comme Ingrédients des marécages écossais, Troubles dans le chaudron, Monstres et Botanique : quels liens ? ou encore Propriétés des venins et des Sang.
Theodore fit venir à lui Maléfices & Potions à l’aide d’un sortilège d’attraction. C’était sûrement son livre préféré pour plusieurs raison. D’abord pour sa rareté, il n’avait jamais été réédité depuis les années 50 et l’avoir trouvé puis négocié dans une petite boutique de l’Allée des Embrumes relevait autant de la chance que de la prouesse ; avoir un père Mangemort facilitait sans doute les choses. Ensuite, de nombreuses images décrivaient précisément les effets de tel maléfice ou de telle potion et la manière d’optimiser leurs effets. Enfin, il contenait beaucoup de recettes oubliées. Theodore eut un petit sourire en le reposant sur l’extrémité de son bureau en bois lissé, il imaginait parfaitement Severus Rogue dévorer le précieux ouvrage.
Sa chambre était vaste. Son lit reposait dans une alcôve assez large, ce qui permettait d’avoir beaucoup de place dans le reste de la pièce qui comportait plusieurs tapis au sol, son bureau, des armoires et une verrière. Sinon le chaudron de sa mère, peu d’objets réellement précieux trouvaient leur place ici. Theodore n’était pas du genre bourgeois, pas très attiré par les ornements et les beaux objets à accumuler inutilement. Toute son attention se tournait pour l’instant vers un projet particulier, la potion la plus complexe qu’il ait jamais essayé de confectionner. Beaucoup plus difficile que la dose de Felix Felicis qu’il préparait pour l’anniversaire de Cassidy d’ailleurs.
Il saisit un ouvrage qu’il ouvrit à la fin, cherchant dans le glossaire les termes qui l’intéressaient. Epouvantard… Détraqueur… Un ingrédient essentiel au bon déroulement du processus magique lui manquait. Il était quasiment impossible de capturer un Epouvantard, on pouvait le repousser ou l’envoyer dans le néant avec un sortilège bien connu, le faire disparaître dans un grand éclat de rire, mais comment l’isoler afin le conserver dans un état permanent ?
La potion que Theodore Nott cherchait à reproduire mobilisait les souvenirs et les peurs les plus atroces d’un individu pour le faire souffrir terriblement ; par sa puissance et son efficacité, elle avait des effets secondaires irréversibles.
Il fallait remonter aux plus anciennes formes de Magie, peut-être même avant la création des baguettes.
De l’essence d’Epouvantard et un maléfice proche de celui utilisé pour créer les Détraqueurs… Theodore s’aventurait sur une pente bien dangereuse et sans doute tout cela le dépassait-il totalement. Il se sentait pourtant conforté dans son idée depuis ses récents succès. Mais il n’avait que vingt ans bordel. Le problème résidait essentiellement dans le fait qu’il fallait saisir en une matière quelque « chose » qui n’était pas censé en être véritablement composé. De quelle matière était faite un Epouvantard ?
Lyall Lupin demeurait la référence principale en matière de non-êtres, ces créatures magiques qui différaient des esprits en cela qu’ils n’avaient jamais connu la vie avant leur existence. Spectres, Epouvantards, Détraqueurs… Il avançait quelques hypothèses quant à leur origine mais la plus probable considérait que d’antiques Mages Noirs les avaient créés de toutes pièces.
Cela posait la question de la matière et de sa place dans l’ordre de la Magie : de quoi étaient faits les Détraqueurs ? Pouvait-on les découper comme on aurait coupé une tranche de saucisson ? Les créatures comme les Epouvantards n’avaient pas de forme propre puisque celle-ci se déterminait seulement en fonction des émotions ressenties par la personne en face de lui.
Un petit mal de crâne frappa Theodore… ces questions étaient abordées en dernière année à Poudlard mais l’on n’apprenait pas pour autant à isoler ce qu’il y avait de palpable dans les non-êtres… Comment enfermer ce qui n’avait pas de forme ? Si les Epouvantards se nourrissaient des émotions humaines, il faudrait d’abord isoler la crainte ou la peur dans un flacon, ainsi le simple frisson sans objet permettrait-il à la créature de se renouveler sans cesse. Encore fallait-il parvenir ensuite à extraire l’essence de la chose afin de s’en servir comme d’un ingrédient pour une potion. Fallait-il rendre un Epouvantard liquide ? Alors, comment s’y prendre ?
Tout cela lui paraissait encore plus inaccessible. S’était-il attaqué à un morceau trop gros pour lui ? Cette pensée le mit instantanément en colère, et ce foutu mal de crâne ne voulait pas passer ! Il balança son ouvrage contre le mur et mit sa tête entre ses mains, les coudes sur son bureau. Plus Serpentard que Serdaigle… Une fois sa rage légèrement passée, il prit soin de noter à la hâte quelques réflexions qui pourraient lui servir un peu plus tard. Theodore tourna ses yeux vers l’horloge au-dessus et lui demanda de lui donner l’heure. Elle ne ressemblait pas à une horloge classique car elle avait la forme d’une grosse pierre noire très lisse ; quelques runes y avaient été gravées ainsi que ces mots : La dernière tue. Vieux cadeau de son père lorsqu’il avait intégré Poudlard. A sa demande, les gravures semblèrent glisser comme de l’eau sur un rocher et formèrent une bouche qui lui indiqua qu’il était presque midi. Elles reprirent ensuite leur place initiale. Nott soupçonnait que l’artisan sorcier qui avait confectionné cette pépite eût utilisé un véritable crâne humain pour son œuvre. Theodore claqua la porte de sa chambre puis saisit une cape de voyage élégante qu’il plaça par-dessus une chemise noire à col Mao.
Il descendit les escaliers, ses pas résonnant un peu dans la maison vide. Il ne savait pas exactement où se trouvait son père mais son absence lui permettait de faire ce qu’il souhaitait. D’une voix sombre, Theodore appela le jeune elfe de maison de la famille Nott ; dans un crac sonore, la créature apparut devant ses yeux.
- Je pars pour Londres, je serai de retour peu après la tombée de la nuit. Je veux que le repas soit prêt.- Bien, mon Maître, nous sommes là pour vous servir.
- Hum.Le sorcier s’encapuchonna et se dirigea vers la lisière du petit bois qui se situait à l’ouest du parc du Manoir. Quelques Sombrals y dévoraient de petites cerises tombées au sol. Theodore s’approcha du plus grand qui dépeçait sobrement le cadavre d’un lièvre ; il lui caressa la croupe avant de monter sur son dos, derrière ses grandes ailes noires.
- Nous allons à Londres mon ami.Theodore s’accrocha et ils décollèrent ensemble pour la capitale des îles britanniques. Il prononçait peu souvent les mots affectueux qu’il avait utilisés pour le cheval ailé, pour les autres sorciers en tout cas.
Les Sombrals occupaient pourtant une place particulière dans l’ordre de la Magie qu’il s’était forgé au fil des années, peut-être cela allait-il à l’encontre de ses convictions puristes mais il savait très bien que s’il pouvait voir et sentir ces créatures cela était la conséquence d’un évènement majeur dans sa vie. Il ne pouvait faire semblant de ne pas voir qu’un lien très spécial reliait les Sombrals à ceux qui avaient le malheur de connaître leur corps par la vision.
La ville tentaculaire se trouvait désormais sous ses pieds ; cherchant à ne pas attirer l’attention sur lui, il atterrit dans un quartier londonien peu fréquenté, non loin du Chaudron Baveur d’où il comptait rejoindre le Chemin de Traverse puis l’Allée des Embrumes. Le cheval squelettique battit des ailes et s’en retourna au Pays de Galles. Theodore s’en alla d’un pas décidé vers les rues magiques de Londres. La tenue sombre impeccable, il marchait le dos droit et enthousiasmé par la raison qui le conduisait là à cet instant ; on eût dit une ombre qui glissait rapidement sur le trottoir si ses jambes ne fouettaient pas la cape qu’il portait sur ses épaules. La silhouette encapuchonnée se rapprochait de plus en plus du Chemin de Traverse. Ce fut lorsqu’il comprit que son ventre gargouillait trop pour pouvoir décemment se présenter en public qu’il décida de faire un détour par l’appartement de son frère afin de s’y restaurer. Il tourna à l’angle d’une rue, puis d’une autre, et emprunta une avenue qui le conduisit directement chez Hypérion. Theodore y pénétra tranquillement, sachant que le plus vieux des deux Nott n’était sûrement pas chez lui à cette heure. Pas manqué, l’appartement était aussi vide qu’un crâne de centaure.
L’endroit sentait le sexe et le tabac froid. Il ricana légèrement en pensant aux multiples conquêtes que son grand frère avait du ramener ici ; il fouilla alors dans quelques placards et se fit cuire deux œufs et ouvrit un pot de soupe à la citrouille. Une fois son repas prêt à être englouti, Theodore s’assit en tailleur sur le canapé afin de manger rapidement ce qu’il s’était préparé. Ses pensées divaguèrent un instant sur l’état actuel de la société magique. Il fallait avouer qu’il craignait pour l’avenir des forces des Ténèbres. Drago Malefoy continuait de briller par sa lâcheté, Goyle était idiot, les Rosier se déchiraient entre eux, les plus vieux Mangemorts commençaient à prendre de l’âge, l’alcool ravageait un nombre conséquent de partisans du purisme, Rogue avait trahi, Bellatrix Lestrange n’avait pas d’enfants… Ayant privilégié l’étude des Potions et de la Magie Noire, son « enfermement » chez lui depuis la fin de sa scolarité à Poudlard ne l’avait jamais conduit à réfléchir à ces questions. Certes, il savait qu’il désirait plus que tout obtenir l’honneur de porter la Marque des Ténèbres un jour, comme son père, mais il souhaitait que cela fût dans de bonnes conditions, pas parce que le Maître n’aurait personne d’autre à se mettre sous la main. Le sorcier eut soudain le sentiment que de nouvelles charges pesaient sur ses épaules. Et s’il n’avait que vingt ans, il crut comprendre que peu de jeunes Sang-Pur pouvaient ambitionner d’atteindre le sommet. Mais quel sommet exactement ? Theodore avait des ambitions, mais certainement pas celui de parvenir en haut d’une pyramide à commander politiquement ici ou là ; ses prétentions étaient intégralement tournées vers lui-même. Engranger des forces et du savoir, augmenter sa puissance et sa maîtrise de la Magie, devenir un combattant hors-pair… Son modèle demeurait Lestrange plutôt que Selwyn.
Il ne sut très bien si son moral remontât ou descendît après être parvenu à cette conclusion. Cela lui laissait plutôt le champ libre et sans doute pourrait-il s’affirmer sans trop de difficulté au sein des troupes puristes.
Dans une petite boutique de l’Allée des Embrumes
- Auriez-vous des ouvrages sur les non-êtres ? Ou sur les Epouvantards en particulier ?- Rien que vous n’ayez déjà monsieur Nott. Mais un vieux sorcier de Blackpool est décédé hier, d’après nos informations il avait une bibliothèque assez fournie. Je pourrais peut-être y jeter un coup d’œil pour vous ?
- Hmm ouais ouais, faites toujours, dit-il d’un air distrait.
Theodore doutait qu’il y eût quoi que ce soit qui l’intéresserait dans cette bibliothèque privée, mais savait-on jamais. Il continua de fouiner un peu dans la petite partie librairie de la boutique, mais il fallait avouer qu’il commençait à en avoir marre des gros ouvrages dans lesquels fourmillaient des milliers d’informations à trier. L’ancien Serpentard cherchait surtout les livres les plus synthétiques qui parfois lui fournissaient l’essentiel de ce dont il avait besoin. Il ne fut pas satisfait ici.
Il avait déjà fait un tour rapide dans une boutique dédiée aux questions de Métamorphose, primordiales pour la potion qui l’occupait, et avait fini par commander un nouvel extracteur de jus et d’essence de toute nouvelle facture et d’une très grande qualité. On lui avait assuré qu’il serait au manoir des Nott dés le lendemain. Tant mieux. Theodore n’avait pas le temps d’attendre.
Le jeune maître des Potions sortit du commerce. Sa silhouette encapuchonnée glissait furtivement sur les pavés londoniens et finit par arriver près de la plus grande des boutiques de Magie noire du Royaume-Uni, dans une ruelle un peu minable. Barjow et Beurk.
A l’intérieur, des étagères sales entassaient des objets qui ne donnaient pas envie d’être touchés. Des instruments rouillés succédaient aux crânes et aux boîtes aux formes étranges ; quelques livres aux couvertures énigmatiques venaient parfois s’ajouter aux bijoux et au mobilier d’apparence inoffensif.
- Monsieur Barjow.- Monsieur Nott.
Theodore lui fit comprendre pourquoi il était venu. Malheureusement, et comme il l’avait prévu, l’homme aux cheveux huileux et aux épaules voutées ne pouvait pas faire grand-chose pour lui. C’était trop beau. On ne trouvait pas de l’essence de Détraqueur ou d’Epouvantard si facilement !
- Hmm votre père pourrait sans doute vous être d’une aide plus précieuse que la mienne.
Le jeune sorcier souffla légèrement… Oui, bien sûr, son père. Evidemment que cette idée lui avait traversé la tête. Anne également, ou Demelza. Ou Bellatrix Lestrange, bien qu’il n’eût pas vraiment envie pour l’instant de lui demander des conseils à ce propos, se souvenant de la tête que faisait Drago lorsqu’on parlait de sa chère tante démente. Cette potion était beaucoup trop complexe, car même sans parler de l’ingrédient spécial introuvable, la marche à suivre était compliquée et prenait un temps fou ; de plus, le moindre faux pas pouvait coûter un peu plus qu’une solution ratée.
- Tiens… je n’y avais pas pensé. Theodore balança quelques pièces sur le comptoir afin de payer les deux ou trois articles qui l’intéressaient et quitta rapidement cet endroit pas très recommandable, même pour le fils d’un Mangemort.
Bonne journée, monsieur Barjow, conclut-il.
Il avait déjà fermé la porte lorsque le commerçant lui répondit. Le jeune homme ne voulait pas rentrer en Sombral, d’ailleurs son animal était sans doute rentré directement au Pays de Galles. Marchant d’un pas rapide, un CRAC sonore finit par résonner entre les murs de la petite ruelle et Theodore Nott disparut.