A quatre heures du matin, pour ne pas rompre avec une tradition aussi vieille que le pays, il pleuvait à torrent. A Londres, on ne se servait pas des jours fériés ou des grandes dates pour situer un souvenir ancien, les moments de ciel bleu étaient bien plus efficaces. Trop rares pour qu’on puisse les confondre, et assez précis pour permettre d’avoir une idée à la fois du jour et de l’heure où s’était déroulé le souvenir en question.
-Eh oui! Quand il fait beau, ce n’est jamais plus d’une heure, chez nous! Expliquait l’instructeur de sa voix usée par des bavardages incessants.
Ses deux élèves l’écoutaient en silence, mais souriants. En dehors des heures de service, ce Ian Lewis était un marrant. Ce qui faisait le charme de ses paroles, c’était cette manière qu’il avait de les enrober dans un emballage d’exagération qui témoignait d’une imagination débordante. Néanmoins, il ne fallait pas le prendre pour un idiot, Lewis. Dans la conversation, il avait un peu de mal à se contenter de la réalité, probablement parce qu’il se sentait investi d’un devoir de la rendre plus attrayante et lyrique par des légendes et des comparaisons de son cru, mais quand il s’agissait de travail, la fantaisie n’existait plus. L’instructeur s’y connaissait en vampire, et s’était justement pour cela qu’il avait fait la rencontre de Lee et Zampol, quelques jours plus tôt. Depuis une bonne semaine, les trois exécuteurs de nuisibles s’étaient mis en tête de chasser la créature qui ravageait les quartiers moldus de Londres. A force d’enquêtes, de consultations d’anciens rapports, de témoignages de moldus paniqués, ils avaient fini par définir la nature exacte du fléau, un vampire! Le genre de bestiole qui ne s’arrêtait pas avec une simple paire de menottes. Baguette, pièges à loup, runes magiques, dagues en argent et fusil de chasse étaient de mise, sans oublier l’ennemi ancestral du vampire:
-L’ail! S’exclama Lewis en dressant un index professoral. Sous son aspect anodin, l’ail est un moyen extrêmement efficace de faire fuir les suceurs de sang. Si je vous disais le nombre de gousses d’ail que j’ai employées durant ma carrière, vous ne me croiriez pas!
Entièrement d’accord sur le fait qu’ils ne le croiraient pas, Lee et Zampol ne jugèrent pas utile d’en demander plus.
-Cependant, je n’en ai pas pris pour cette mission, ajouta l’instructeur. Mon vieux nez ne supporte plus cette odeur à force de l’avoir sentie, en revanche, le vampire serait averti de notre présence si nous en avions sur nous…
-A propos de vampire, intervint Zampol, peut-être serait-il temps de s’occuper du nôtre?
Orcus partageait son impatience. Ils attendaient maintenant depuis une heure et demie sous le porche d’un immeuble londonien. Ils s’étaient glissés dans l’obscurité de cet endroit et, protégés par l’ombre de quelques poubelles, guettaient la petite cour extérieure dont-ils gardaient l’entrée.
-Nous allons y songer, mon garçon. C’est bientôt l’aurore, notre vampire va devoir se trouver un nouvel abri pour la journée avant que le soleil ne soit trop fort. C’est à ce moment du jour qu’il est le plus faible et le plus exposé.
-Regardez… Marmonna Lee, penché entre deux poubelles, on dirait que ça remue là dedans.
A plusieurs reprises, une ombre était passée derrière la vitre embuée. Trop rapidement pour qu’on puisse la reconnaître comme celle d’un vampire, mais Lewis ne semblait avoir aucun doute.
-Les rapports de la police moldu révèlent dans le secteur plusieurs meurtres inexpliqués. Bien qu’ils n’en aient pas compris la signification, l’état des victimes traduisait clairement l’acte d’un vampire. Je suis sûr qu’il se cache dans cette cave, les vampires aiment l’obscurité et l’humidité.
-Pour l’humidité, il pouvait tout aussi bien se choisir une cheminée ou un arbre, ricana Zampol, le temps l’aurait servi de la même manière.
-Nous allons passer à l’action, messieurs, déclara brusquement Lewis, les yeux rivés sur la porte de la cave, au bas d’un petit escalier au fond de la cour. Souvenez-vous, les vampires sont très dangereux, ne les laissez surtout pas approcher! Physiquement, vous ne pouvez rivaliser avec lui, éloignez-le à l’aide de la lumière et du feu, vos baguettes devraient faire l’affaire. Je vais attendre ici, au cas où il chercherait à fuir. Débusquez-le!

Un rien effrayés, Zampol et Lee se glissèrent lentement hors de leur cachette et évoluèrent le plus discrètement possible vers la porte de la cave. Arrivés au sommet des marches qui descendaient vers la tanière du monstre, ils se plantèrent.
-Et bien, Zampol, tu as peur?
Le collègue de Lee grimaça, mais au lieu de répliquer, il ordonna simplement:
-Je reste ici. Va dans la cave et arrange-toi pour faire sortir le vampire, je me chargerai de le bloquer.
-Je vois… Autoritaire, mais pas courageux pour deux sous!
Sous ce climat de bonne entente, Lee tira sa baguette et descendit les marches. Il poussa la porte avec une infinité de précautions, et découvrit une grande pièce dont la seule source de lumière provenaient des rares soupiraux. Orcus s’y glissa à contrecoeur. Le jeu ne l’amusait pas tellement, il aurait dû forcer son couard de camarade à le suivre, mais Zampol ne l’avait pas surpris par son attitude, il le connaissait bien. Marchant dans l’obscurité, Lee sentit son pied s’enfoncer dans une flaque d’un liquide que son imagination lui suggéra être du sang, ce qui l’incita à se concentrer aussitôt sur la protection du sien. Orcus devinait que le vampire devait se lécher les babines en voyant avancer à l’aveugle dans sa grotte cette citerne ambulante remplie d’un sang frais et à la qualité certifiée. L’exécuteur de nuisibles fouillait la cave depuis deux bonnes minutes et commençait à trouver la partie un peu pénible. Soudain, il frémit. Il vit briller au fond de la pièce deux points rouges, probablement les yeux de la bête, son objectif. Quelle fut sa première réaction face au danger qui s’annonçait? Réciter la loi, bien entendu! Question style, on ne pouvait faire plus épatant que l’homme qui, face au monstre qui s’apprête à l’attaquer, trouve quand même la force de lui décliner de sang froid l’objet de sa visite.
-Mr Pooh, le Ministère vous a identifié comme étant un dangereux individu incapable d’outrepasser son état de vampire, vous êtes accusé de meurtre et au nom de la loi…
Côté utilité, par contre, le registre trouva vite ses limites. Non seulement il n’en avait cure de la loi, le vampire, mais en plus, cela semblait le fatiguer. Avant que Lee n’ait eu le temps d’achever son poème, le monstre rugit et lui bondit dessus. Guidé par un réflexe salvateur, Orcus se jeta au sol et le vampire lui passa par-dessus sans le toucher. L’exécuteur s’attendait déjà à sentir les crocs de la bête se refermer sur son cou, mais au lieu de cela, il entendit un bruit sourd et dut garder la tête baissée pour ne pas recevoir les briques qui chutaient tout autour de lui. Dehors, Zampol s’inquiéta de ce boucan, mais il ne réagit vraiment que lorsqu’il entendit la voix de son collègue l’appeler. Il se précipita vers la cave où il trouva Lee, en train de se frotter les genoux, et, juste derrière lui, un formidable trou dans le mur, d’où on pouvait contempler la ville londonienne.
-Qu’est-ce que cela signifie? S’exclama Zampol, horrifié.
-Le vampire s’est trouvé une autre sortie…
-Je vois bien, oui! C’est comme ça que tu t’y prends pour le coincer, Lee?
-Ecoute, mon vieux, qu’est-ce que j’y peux s’il a pris un autre chemin? Sans doute a-t-il eu peur de ta trogne, il a préféré se lancer contre un mur… Entre nous, si je ne craignais pas de me briser les épaules, j’en ferais sûrement de même!
Satisfait de sa pique, Orcus n’attendit pas la réaction de son camarade et grimpa sur la première caisse qui s’offrait à lui pour escalader le mur et atteindre l’ouverture. Zampol le suivit. Leur escalade les conduisit dans une petite ruelle dont le vampire avait déjà disparu.
-Où a-t-il pu filer, cet imbécile?
-Là!
Zampol désigna, au bout de la roue, une femme qui courait en poussant des hurlements.
-Les oubliators vont avoir du boulot si notre animal s’exhibe dans tout le Londres moldu!
-Viens!
Les deux exécuteurs de nuisibles se mirent en route, oubliant de prévenir leur instructeur. Arrivés au carrefour, ils purent apercevoir au loin la silhouette facilement reconnaissable du vampire qui fuyait à toute jambe en semant la panique parmi les moldus, ils le poursuivirent. Londres était encore endormie à cette heure-ci, mais il se trouvait suffisamment de monde dans les rues pour que la présence d’un vampire y sème le désordre le plus complet. Les gens criaient, les voitures se tamponnaient, et Zampol et Lee couraient à en perdre haleine.
-Il se déplace trop vite! Dut admettre Orcus lorsqu’ils arrivèrent à un croisement où ils s’arrêtèrent, n’ayant pu voir quelle direction le vampire avait empruntée. Du moins, c’est ce qu’il croyait, car Zampol lui semblait étonnamment vif.
-Prends à gauche, je vais essayer à droite!
Sans attendre l’approbation de son collègue, Zampol se précipita. Orcus commença par exécuter son idée, puis, en voyant que la rue que son collègue lui avait désignée était une impasse, l’exécuteur comprit bien rapidement que le vampire était passé à droite. Ce qu’il comprit surtout, c’est que Zampol avait cherché à le rouler, et il était facile de deviner pourquoi. Dès le début de leur carrière, entamée trois ans plus tôt, les deux hommes s’étaient comportés en rivaux, surtout Zampol qui semblait très ambitieux et ne pouvait admettre la moindre concurrence, surtout pas celle de Lee qui n’avait jamais cessé de piétiner sa route et de lui faire de l’ombre. Cette adversité rajoutait du piment à leur métier, déjà riche en défis. Contrarié par la ruse de Zampol, Orcus réfléchit vite à un moyen de rattraper son retard, il eut alors l’idée de prendre une voiture. Un moldu était justement en train de se garer, Lee précipita sa manœuvre -de façon fort inconvenable, il en convint, mais le temps manquait pour les bonnes manières-, se jeta sur lui, ouvrit la portière et força le moldu à descendre, ce qu’il fit avec une mauvaise volonté évidente. Orcus devina qu’on lui jetait toutes les insultes de la création lorsqu’il s’éloigna avec la voiture, mais il n’avait pas vraiment le choix. Laisser Zampol le devancer, c’était inconcevable. La troisième guerre mondiale commençait. A présent, il n’y avait plus qu’un seul objectif dans l’esprit de Lee, et il ne faisait aucun doute que Zampol partageait le même: arriver avant l’autre. Toute leur mission, leur course se résumait à ce but, arracher la victoire à l’adversaire. La gloire ne pourrait être partagée.
Vivant lui-même à Londres, « au cas où », Lee avait appris à conduire dans sa jeunesse. Il était assez bien formé aux gestes habituels des moldus pour en exécuter lui-même une bonne partie dans son quotidien. Son astuce lui permit de rattraper son adversaire -Zampol, pas le vampire!- très vite. Orcus signala son retour d’un aimable coup de klaxon et poursuivit. Le vampire se trouvait une centaine de mètres plus loin, dans une grande avenue. Il allait vite, mais la voiture faisait mieux que ses jambes de vampire. Cependant, la route était si encombrée que Lee dut rapidement abandonner son moyen de locomotion. Le temps qu’il se décide à le faire, Zampol était revenu à sa hauteur, essoufflé. Revenus à égalité, ils s’abstinrent de tous commentaires.
-On… on n’arrivera pas à le rattraper! Soupira Zampol entre deux respirations.
-Si, regarde! Il a cessé de courir, il doit penser qu’il nous a semés.
Effectivement, au loin, la grande silhouette s’était mise à marcher. Au bout de quelques mètres, elle tourna à droite et disparut. Les deux exécuteurs se hâtèrent de la rattraper. Ils retrouvèrent le vampire peu après, dans une longue ruelle sombre et étroite, et s’immobilisèrent brusquement avant que le monstre ne les aperçoive. Zampol et Lee l’épièrent avec des yeux étonnés.
-Il doit se chercher un abri…
-Non!
Zampol désigna une autre ombre qu’ils n’avaient pas aperçue, celle d’une femme à la chevelure blonde qui attendait en tournant le dos au vampire. Ce dernier l’avait parfaitement vue et, sous les regards horrifiés des deux hommes, s’apprêtait à la dévorer. Avant qu’ils n’aient pu faire quoique ce soit, le monstre bondit sur la femme et y planta ses crocs. Il y eut alors une explosion et la proie du vampire disparut dans une pluie d’étincelles argentées, un homme jaillit d’un coin d’ombre et pointa un pistolet au canon énorme sur la bête. Les deux exécuteurs reconnurent la voix de Ian Lewis.
-Il faut toujours se méfier des leurres et des appâts, vampire!
Effrayé, la bête bondit, mais un peu tardivement, car elle reçut en pleine jambe la décharge que Lewis lui administra de son arme à feu spéciale anti-vampire. La balle en argent lui déchira la jambe, ce qui ne l’empêcha pas de poursuivre son saut. Le vampire s’était agrippé à un balcon et l’enjamba sans grande difficulté. Il brisa la vitre et disparut dans l’appartement. Aussitôt, Zampol et Orcus se mirent en tête de le poursuivre, ils prirent l’entrée de l’immeuble. Ian choisit l’escalier de secours. Durant toute la montée de l’escalier en colimaçon, les deux exécuteurs ne cessèrent de se gêner. Encore une fois, ce fut Zampol qui déclencha les hostilités, mais Lee se fit une joie d’y répondre. Son collègue s’arrêta au palier du premier étage pour constater de quelle manière si particulière le vampire s’était aménagé un passage malgré la porte, dans laquelle il avait imprimé ses contours. Orcus en profita pour le doubler et se précipiter vers le second étage, non sans avoir pensé à écraser au passage le pied de son aimable camarade, pour s’assurer une petite marge d’avance. Écarté momentanément de la course, Zampol ne le retrouva que plus tardivement. Tout à sa rivalité avec son collègue, Lee en oublia qu’il poursuivait un vampire et fut surpris lorsqu’il se trouva nez à nez avec lui au tournant du troisième étage, la bête lui expédia un fameux crochet qui lui fit perdre son souffle. Avant qu’Orcus ne reçoive des coups de crocs, il eut le temps de prendre sa baguette et de repousser le monstre d’un stupefix qui l’envoya à travers la vitre. C’est à ce moment là que Zampol réapparut.
-Le vampire? Demanda-t-il brutalement, étonné de voir son camarade plié en deux au sol.
Ne pouvant répondre, Lee désigna l’escalier. Son collègue se précipita. Lorsque Orcus fut de nouveau sur pied, il ne songea pas à suivre Zampol. Il força l’entrée de l’appartement le plus proche et trouva un balcon par lequel il put atteindre un escalier de secours. Au prix d’une escalade dangereuse, il parvint à s’y jucher et se mit alors à monter. Sa course le mena au sommet de l’immeuble, il prit place sur la terrasse. Il ne s’était pas trompé, malgré sa chute, le vampire s’était rattrapé et avait continué de monter, celui-ci se trouvait monté sur une cheminée, quelques mètres plus loin, en train de contempler l’état de sa jambe. Orcus voulut approcher discrètement, mais le vampire sentit sa présence et se remit à fuir. Contrarié, Lee n’eut d’autre choix que courir sur les toits de Londres. Encore une fois, le monstre lui tendit une embuscade, l’exécuteur de nuisibles dut se jeter sur le côté pour esquiver un coup de griffe de son ennemi qui s’était glissé derrière un conduit de cheminée. Lee lança un sortilège qui élança la jambe blessée du vampire. La douleur contraignit ce dernier à éviter le combat. D’un bond spectaculaire, il atteignit la terrasse d’un autre immeuble à une demi-douzaine de mètres de celui-ci. Découragé, Lee dut faire un détour. Il commença par se précipiter sur le toit de l’immeuble voisin quand, soudain, il sentit le sol se dérober sous sa jambe et perdre l’équilibre. Les tuiles n’avaient pas supporté son poids et il se trouvait une jambe coincée dans la toiture d’une très grande maison. Irrité, Lee poussa un juron en entendant le rire glacial de son rival.
-Un souci, Lee?
-Sors-moi de là, Zampol!
-Le vampire avant tout! Ne t’en fais pas, je viendrai te chercher une fois la chasse accomplie.
Et il repartit, malgré le regard noir d’Orcus qui dut même lui donner des ailes. Zampol évolua plutôt rapidement malgré les nombreuses difficultés du parcours, notamment le vide. La chance voulut qu’il arriva à l’endroit même où le vampire avait décidé d’atterrir suite à un nouveau saut de sa part. Les deux êtres se dévisagèrent d’un air horrifié, le monstre tira ce qui lui servait de baguette et commença à affronter Zampol. Mais le combat ne dura guère, juste le temps pour les deux duellistes de se lancer quelques sortilèges qui échouèrent lamentablement, après quoi, Orcus rappliqua. Face à deux ennemis, la bête sauvage préféra fuir encore et se jeta dans le vide pour atteindre l’immeuble d’en face. Poussé par un instinct de folie et l’influence néfaste des films d’action américains, Lee s’accrocha au dos du vampire avant qu’il n’ait le temps de partir, et le suivit dans sa chute. Naturellement, le saut de la créature fut largement handicapé par la charge de l’exécuteur, ils s’écrasèrent un peu plus bas, sur une autre terrasse où s’engagea un combat des plus violents, dès qu’ils furent relevés. Fort heureusement, le vampire avait encaissé les plus gros dégâts, Orcus lui ayant atterri dessus. L’exécuteur reçut un coup de griffe qui lui saigna la joue droite et le mit hors de combat pendant quelques secondes. Le vampire saisit l’occasion pour se faire la malle une fois de plus. Sous les yeux agacés de Lee, il prit son élan et, arrivé au bord de l’immeuble, se jeta majestueusement au-dessus des toits de Londres, avec la différence, cette fois, qu’il n’acheva pas son saut tel qu’il l’espérait. Orcus s’était relevé et précipité vers le bord. Alors que le vampire était encore dans les airs, il leva sa baguette et frappa. La scène parut durer des minutes et alla pourtant très vite. La créature fit la rencontre avec un puissant rayon lumineux alors qu’elle se trouvait toujours à plusieurs mètres au-dessus du sol. Le choc lui fit pousser un grand cri de stupeur et de douleur, gêné dans sa manœuvre, le vampire en oublia de préparer son arrivée et s’écrasa lourdement contre une cheminée avant de finir sa descente sur le toit d’en dessous. Cette fois, il ne se releva pas. Orcus voulut pousser un grand soupir de soulagement, mais l’irritation prit le dessus. A cet instant, une porte s’ouvrit et Zampol apparut juste derrière le corps inanimé du monstre sur lequel il posa un pied victorieux puis leva sa baguette pour appliquer un sortilège, à tout hasard. Orcus haussa les sourcils.

Lorsque Lee rejoignit son collègue, celui-ci l’accueillit d’un grand sourire fier et narquois. Orcus en montra de l’humeur, ce qui rendit d’autant plus grande la joie de Zampol.
-Ne fais pas la tête, Lee! La prochaine fois, c’est toi qui l’auras!
-Faut-il te rappeler que je suis l’auteur de ce sortilège qui lui offert une chute mortelle?
-Premier arrivé, premier servi, n’est-ce pas?
Le sourire de Zampol s’élargit encore plus. Visiblement, le procédé ne le choquait absolument pas. Connaissant les règles du jeu, Lee se fit beau joueur et déclara:
-Très bien, vieux, tu l’emportes pour cette fois! Retrouve l’instructeur, vante-toi bien, mais n’oublie pas de lui dire que je vous attends ici avec le corps de ta victime! Je ne vais pas rester planté là des heures pendant que tu te pavanes, d’accord?
Zampol s’inclina et, mû par le désir de relater son exploit à l’instructeur, se hâta de partir à la recherche de Lewis, sous l’œil sombre de Lee. Il savait très bien qu’Orcus ne contesterait plus sa victoire, celui-ci s’était plié et toute tentative pour décrédibiliser Zampol serait de la triche. Finalement, il trouva Lewis sur un toit voisin, en train de fouiller les environs avec son pistolet et une dague en argent.
-Ne cherchez plus, Ian! Déclara-t-il d’une voix triomphante pour se signaler, votre vampire est mort!
L’instructeur resta bouche bée.
-Comment?
-Je l’ai achevé moi-même. Son corps nous attend au pied d’une cheminée, Lee le garde.
Voyant les lèvres de Lewis remuer, Zampol s’attendit à recevoir les compliments qui lui étaient dus, avec cette exagération coutumière qui ne les rendraient que plus agréables. Les mots qu’il entendit lui firent l’effet d’une gifle, d’autant plus que pour une fois, ils étaient parfaitement conformes à la réalité.
-Bougre d’imbécile!
L’exécuteur ne comprit pas la raison de ce traitement, mais il en fut à la fois très surpris et offensé. Cependant, il n’osa pas protester, trop étonné par la réaction furieuse de Lewis. Ce dernier se précipita, suivi par un Zampol désorienté. Ils stoppèrent leur course à l’endroit où Lee les attendait, avec, à ses pieds, un tas de cendres. Ian poussa un soupir de soulagement. Appuyé au rebord d’une cheminée, Lee, ayant allumé sa pipe, la retira pour saluer Lewis d’un mot aimable.
-Par la barbe de Merlin, vous y avez pensé?
Orcus inclina légèrement la tête en souriant.
-Pensé à quoi? Grogna Zampol.
-A brûler entièrement le vampire. Hormis un coup de dague en argent dans le cœur, il n’y a pas d’autres solutions pour le tuer. La bête que vous aviez laissée étendue au sol ne pouvait être morte, Zampol, simplement évanouie. Encore heureux que vous ayez pensé à laisser Lee auprès d’elle.

Quand on fut certain qu’il n’y avait plus de danger à craindre, on laissa le vent emporter les cendres du fléau qui avait frappé Londres pendant quelques semaines, et les trois hommes redescendirent. Lee garda le silence durant tout le temps de la descente, ce ne fut que quand ils arrivèrent en bas, dans la rue, qu’il crut bon de se rappeler à son collègue.
-Tu vois, Zampol, dit-il avec un sourire en coin, sans cesse, tu essayes de te montrer meilleur que tout le monde par toutes les solutions imaginables, alors qu’il te suffit de m’avoir en ta compagnie, et toutes les affaires sont résolues!
D’ordinaire, Orcus n’était pas vantard, mais pour son plaisant collègue, il pouvait bien se permettre une exception.