Violette était désillusionnée. C'était le troisième jour qu'elle passait dans cette sombre cellule. Elle n'était guère sortie. Et son moral était à plat. Comme si sa grosseur d'esprit s'était dégonflée en des affluences improbables.
Comment une vieille femme comme elle avait pu... atterrir aussi bas ? C'était son nom qu'elle avait souillé, qu'elle avait déshonoré. Le seul Fanning qui avait été en prison avait été son arrière arrière arrière arrière arrière grand-père, enfermé dans une caverne par des indiens sauvages. En Amérique. C'était pour une cause noble.
L'était-ce là-aussi ? Ça pouvait l'être. Violette se situait dans une impasse ; elle haïssait de tout son coeur les dissonances cognitives et l'impuissance lui était insupportable. Or, le seul moyen de remédier aux impuissances restait l'habituelle quête de sens. Donner du sens, ça donne l'illusion quelques temps d'être maître de la situation. Avec toutes les conventions dont elle s'enlisait, Violette vivait volontiers dans l'illusion.
Néanmoins jamais une impasse ne fût de telle taille dans sa vie.
Solution A. Soit Violette reconnaissait qu'en insultant ce mangemort, elle avait trahi sa famille en se comportant de façon remarquablement naïve en ayant ignoré la modernité politique et conventionnelle de son temps. Or elle l'ignorait de la sorte parce qu'elle était construite sur des valeurs vieilles écoles. Dissonance cognitive trop forte, solution défaillante et anti-égotique.
Solution B. Soit Violette reconnaissait qu'en insultant ce mangemort, elle avait failli à la politique actuelle. Pour avoir eu le pouvoir de l'enfermer ainsi, son bourreau devait être une personne extrêmement respectable et elle ne faisait que pâtir de sa propre impertinence. Reconnaître ses propres erreurs était bien entendu une preuve de sagesse. Elle présenterait ses excuses à cette noble personne une fois sortie de prison.
Solution C. Tout cela était la faute au système actuel, qui est anti-vertueux jusqu'à la moelle. Il était donc de l'ordre de la vertu que de se retrouver enfermée en prison en de telles circonstances. Mais Violette assumait ses positions jusqu'au bout, et prendre le risque de mourir pour celle-ci lui était impensable. Et hors de question d'assumer sa propre lâcheté. La solution C était donc pourrie car présomptueuse et inélégante.
Il était marrant de constater comme avec Violette, tout ce qui n'était pas explicable de façon raisonnée pouvait être justifié par le simple concept d'inélégance. "Je n'aime pas lire. C'est très inélégant !" "Je n'aime pas les enfants. C'est très inélégant !" "Je n'aime pas les gens qui ne sont pas gros. C'est très inélégant !"... bref, tout pouvait la justifier avec ce concept d'élégance. Et celui qui approuvait que Violette n'était pas élégante se faisait massacrer à coups de chaussure à talon, donc le problème était vite réglé. Ces gens là étaient très inélégants.
En règle générale Violette ne réfléchissait pas. Elles fonçait et défonçait tout le monde par des répliques cinglantes, par des cannes ou des chaussures si elle rencontrait un problème. Et elle apportait plaisance aux gens qui lui en apportaient. Cette soudaine manie de réfléchir était peut-être liée à la profonde désillusion qu'avait éprouvée Violette en se faisant arrêter puis enfermée en prison ; ainsi qu'à la mélancolie que lui infligeaient les détraqueurs. Mais le caractère de Violette était un véritable édifice solide comme le roc, qu'on ne pouvait jamais vraiment faire s'écrouler. Violette n'était donc pas abattue comme tous les mécréants qui gémissaient dans les cellules alentours.
En l'enfermant dans la prison d'Azkaban, le mangemort l'avait beaucoup humiliée. Cet endroit était très inélégant !