Mandy s'était réveillée ce matin là avec un sentiment d’oppression qui ne voulait pas quitter sa poitrine. Le soleil pourrait briller autant qu'il voudrait sur l’Angleterre que cela ne changerait pas la brume de son esprit. Elle avait bu un café bien noir, puis était descendue dans son bureau chercher les documents qu'elle avait préparé pour l'occasion. Arbre généalogique, certificats de naissance, papiers d'identité remontant jusqu'à ses grand-parents, parfois arrière-parents. Le métissage de sa famille avec des moldus remontaient à plusieurs générations, pourtant la haine envers ces ancêtres qui avaient osé briser le fin équilibre sanguin était toujours bien présente en elle, comme elle avait été présente chez ses parents. Ces derniers, nobles serviteurs du Seigneur des Ténèbres, auraient sûrement été promus mangemorts d'ici peu si le premier régime sombre n'avait pas chuté et qu'ils n'avaient pas péri à Azkaban, envoyés là-bas pour cause de collaboration avec le Lord. Aujourd'hui on pouvait espérer qu'ils n'étaient pas morts pour rien et que leur nom ne seraient pas souillé.
Elle avait quitté Poudlard sans voir sa tendre Frédérique et la douleur qui suivait une séparation -bien que courte- sans un adieu, n'en était que plus grande. L'ancienne professeur des sortilèges était devenue depuis peu l'inquisitrice de Poudlard. Bien que jeune, le régime avait eu assez confiance en elle pour lui donner la direction intégrante de l'école. Scofield restait cependant sous directeur. Sûrement une façon de garder une emprise assurée et un oeil sur l'établissement de magie le plus renommé de Grande-Bretagne... et du monde.
Vêtue d'une grande cape noire, surplombant une robe de sorcier classique à la teinte tout aussi sombre, elle déambulait déjà dans les rues de Londres, un transplanage bien réalisé lui faisant parcourir à lui seul la majorité du trajet. Elle entra dans les toilettes publiques qui permettaient d'accéder aux ministères. Elle détestait ce procédé et le trouvait pour le moins ragoutant, pour le plus une représentation totalement fidèle de l'ego plein de bassesse des premiers sorciers ayant envisagé ce système. Attendant son tour pour accéder au cabinet, elle ferma la porte derrière elle et monta sur la lunette. Son visage ne parvenait pas à réprimer le dégoût qu'elle ressentait. Le surpassant néanmoins et prenant sur elle, elle mit les pieds dans la cuvette et tira la chasse. Le décor autour d'elle se mit à bouger alors qu'elle commençait à tournoyer et assez rapidement les murs salis des lieux publics s'effacèrent pour laisser place à ceux recouverts de l'épaisse poussière du ministère. La masse des sorciers se mouvant dans l'immense couloir était si importante qu'on aurait dit qu'il n'y avait qu'un seul être informe qui recouvrait de toute son étendue le corridor, un serpent noirâtre et bruyant, un monstre infernal. Quand vous étiez pris dans ses filets, emporté subitement par le mouvement des autres, il vous fallait plus de détermination et de courage que d'intelligence pour réussir à trouver votre chemin indépendamment de celui de vos semblables. Mandy fut désorientée quelques minutes. Immobile, bloquée contre un mur non loin des premières cheminées d'où sortait incessamment des sorciers plus ou moins trapus, maigres, grands, petits, aux visages ronds et sympathiques ou au contraire angulaires et discourtois, elle attendait de retrouver ses esprits avant de se fondre dans la masse. Il y avait quelque chose d'onirique à cette situation, mais elle n'aurait su le définir exactement. Poser un nom, voire un simple mot, sur les sensations n'était pas si simple, et elle devait avouer que principalement pour elle, cela avait toujours été un échec. Elle n'avait pas non plus le mérite de l'acharnement et rien ne la laissait prévaloir à une réussite futur. Elle ne jouait pas avec les mots, mais avec les ingrédients ; son alchimie n'était pas celle du langage, mais celle des potions, une alchimie bien plus réelle et bien moins trompeuse dont les effets ne variaient guère en fonction des gens contrairement à la première.
Elle avança.
Les salle d'audience se trouvaient au sixième étage. Dans le département de l'ordre nouveau. Une drôle d’appellation, fausse à son sens. Si un ordre était nouveau, alors il avait été instauré récemment et n'était en rien naturel. Il était le fruit de la pensée humaine et ne dépendait pas de la légitimité animale, toute première à instaurer l'ordre de dominance des uns sur les autres. Les sangs purs avaient toujours été supérieurs aux sang-mêlés, eux-même supérieurs aux sang-de-bourbe. Ceci d'aussi loin que pouvait remonter sa mémoire d'homme et celle de l'humanité magique.
Elle se glissa dans l’ascenseur alors que les portes se refermaient et manqua de peu d'y laisser un pan de sa robe noire. Avec elle se trouvait un grand sorcier moustachu, légèrement rouquin, un second un peu plus petit mais à la musculature imposante et une sorcière à l'air sévère, aux lèvres pincées et au chignon bien serrés. Elle les salua brièvement, comprenant qu'ils travaillaient plus ou moins pour le ministère. Qu'importe le poste qu'ils occupaient, elle respectait profondément ces personnes qui consacraient leur vie à satisfaire les besoins de la plus grande instance magique de la Grande-Bretagne. Machinalement, sans aucune raison apparente, elle passa sa main sur le fourreau pendant à sa ceinture où sa baguette reposait toujours tranquillement. Le ministère et Poudlard lui devaient trop pour lui faire quoique ce soit, n'est-ce pas ? Elle qui avait la protection de la nouvelle inquisitrice, elle qui avait trouvé l'antidote qui avait sauvé les sorciers de Poudlard, élèves, professeurs, et serviteurs, dont le grand Scofield et la célèbre LeeRoy. À moins de faire preuve d'une ingratitude sans borne, on ne lui ferait rien. Et loin d'elle le doute de la justice du Régime. Loin d'elle l'idée qu'on ne reconnaîtrait pas la pureté du peu de sang sorcier qu'elle pouvait avoir en elle. Seulement voilà, inexplicablement, elle avait tout de même peur. Serrant un peu plus les papiers qu'elle avait sous le bras contre elle, elle se glissa dans un coin de l’ascenseur alors que celui-ci ouvrait une énième fois ses portes pour laisser entrer des hommes et des missives, les uns marchant et les autres volant. Deux étages plus loin, la voix féminine annonçait son arrivée. Elle toussota pour qu'on la laisse sortir. Avec deux ou trois grognements ses compagnons de fortune se firent plus petits qu'ils ne l'étaient pour lui dégager un passage, satisfaisant bien qu'étroit. D'un pas presse, elle alla jusqu'au dit lieu et se présenta. Elle n'attendit que peu de temps avant qu'on la fasse entrer. Faisant tout pour chasser de son esprit la présence des détraqueurs, elle alla se positionner devant le bureau du vieil homme. Eris Valverde. Le directeur de l'ordre nouveau. Elle n'avait pas le droit à n'importe qui pour cette audition, son dossier devait avoir un peu plus d'importance que ce qu'elle voulait bien lui accorder. Après tout elle était directrice de maison... Elle représentait l'autorité auprès de nombreux Gryffondors et se devaient d'être un exemple. Quel exemple mes aïeuls... Un sang impur... Bref. Le genre de réflexions qu'elle ne pouvait se permettre de tenir à haute voix dans ce genre de situation commencèrent à envahir son esprit. Elle voulu les chasser, elle n'y parvient pas.
« Bonjour monsieur Valverde, dit-elle d'une voix polie et neutre. En d'autre circonstance elle aurait rajouté que c'était un honneur de le rencontrer, ce qui était totalement vrai, mais déplacé. Il l'invita à s'asseoir. Merci. »
Obéissant à son injonction sympathique, elle prit place sur la chaise qui était prévue à cet effet et l'écouta attentivement jusqu'à ce qu'il lui cède la parole. Avalant discrètement sa salive, elle ne pouvait réellement refouler une certaine pression.
« D'accord... Tout d'abord, je vais m'en tenir aux preuves administratives pures et simples... elle prit le tas de papier qu'elle tenait toujours et le posa sur ses genoux pour commencer à trier Voici... les certification de naissance provenant de St-Mangouste de mes parents, de leurs parents, et des parents sorciers de ces derniers... Elle lui tendit, ne précisant pas plus que ça que son arrière grand père paternel était un moldu, il le comprendrait bien seul en voyant qu'il ne figurait pas parmi les extraits de naissance … Et là... les papiers d'identité de mes parents et de moi-même... une forme de certification du ministère même que nous sommes bien des sorciers, il serait inconcevable que cette instance reconnaisse des sang-de-bourbes comme étant dépendant d'elle... saisissant la copie de son arbre généalogique, elle lui présenta … Enfin, ceci va sûrement vous permettre de clarifier un peu la situation. N'étant en rien un justificatif, je le sais, cet arbre vous permettra néanmoins de faire plus rapidement les filiations entre les gens, et de positionner chacun dans sa génération. Comme vous le voyez, mon arrière-grand père paternel est absent, ainsi que mon arrière-arrière-grand-mère maternelle... Ils sont l'incarnation du fardeau familial, si bien que nous avons préféré les oublier. Pourtant l'oublie est difficile, même si longtemps après... je porterai à tout jamais les séquelles de la folie de mes ancêtres, et j'en ressens depuis toujours une haine sans limite envers ces moldus, ces êtres inférieurs... Tout comme mes parents. Vous avez dû entendre parler d'eux, ils sont mort à Azkaban durant cette période de transition infâme, entre les deux règnes... Le couple Evans. Monsieur Menroth me disait dernièrement qu'ils étaient presque aussi grands que des sangs-purs dans leur manière de servir le Seigneur des Ténèbres. La partie moldue de leur sang n'a pas entâché leur jugement et ne les a pas non plus empêché de faire ce qui est juste. Au péril de leur vie. Je crois pouvoir dire qu'il en ai de même pour moi, à une moindre échelle de danger car nous n'évoluons plus dans ce climat d'insécurité d'autrefois. J'ai mis mon talent dans l'art des potions au service du ministère et de Poudlard et j'ai trouvé l'antidote contre la fiole, rendant à tous leurs pouvoirs... Parmi ces gens se trouvaient le bras droit du Lord, et une de ses plus grandes servantes. Par la suite on m'a trouvée assez digne pour me donner la direction de la maison des Gryffondors, dont la réputation déplorable n'est plus à faire... on m'a donné la lourde tâche de redresser cette maison et j'ai accepter, pour servir au mieux le Lord et apprendre à la nouvelle génération les valeurs qui feront d'eux des sorciers véritables. J'ai beau avoir deux sangs en moi, il n'y en a qu'un qui me guide, et il s'agit du plus grandiose des deux. »
Une fois encore, elle remettait aveuglement son avenir dans les bras d'un seul homme, un serviteur des forces de l'ordre, un homme de valeur. Elle se pensait digne de pouvoir continuer à vivre parmi les sorciers, comme la sorcière qu'elle était indéniablement. Mais si lui la jugeait autrement, alors elle s'en remettrait à son choix.