Darius n'avait pas l'habitude de passer du temps avec sa fille. Ou du moins, il n'avait plus l'habitude. Quand Meredith était petite, avant que tout ne tourne mal pour elle, ils avaient de nombreux moments entre père et fille. Entre les promenades le long de la plage, les lectures au coin du feu ou les premiers essais de vol sur son balais pour enfant. Hors depuis la morsure, Darius n'avait pas osé regarder sa fille en face pendant plusieurs mois. S'il refusait de se laisser avoir par la peur et de la laisser croire qu'elle n'était qu'un monstre, se convaincre lui-même avait été aussi difficile. Pourtant, il l'aimait terriblement. Elle avait toujours été son petit soleil, qui l'extirpait de ses noires pensées et lui donnait un peu d'espoir. Meredith avait une bonté que Darius n'avait pas, lui montrait une autre manière d'appréhender le monde. Mais depuis, elle était devenue la peur la plus profonde de Darius, celle qu'il ne parvenait pas à accepter.
Souvent, il se perdait dans l'album de famille. Les premières photos, celles où tous rayonnaient, montraient comme ils avaient pu être heureux. Que ce soit Meredith qui riait aux éclats, Lester qui enlaçait sa soeur jusqu'à l’étouffement, Aloysia qui bordait ses deux enfants dans le lit parental, et toutes les photos où la famille était complète. Puis peu à peu, les photos où Meredith était présente diminuaient. Si Aloysia tenait encore à en prendre avec sa fille, elles étaient rares et le teint pâle et cireux de l'enfant montrait comme son état s'était dégradé. Elle avait perdue toute sa joie de vivre. Et plus jamais elle n'avait prononcé un mot, plus jamais elle ne l'avait appelé
Papa.De ces photos, Darius en avait gardé une pour lui seul, qu'il rangeait dans l'un de ses livres, dissimulé dans les nombreux ouvrages de sa Bibliothèque. Presque tous les jours, quand il entassait les documents pour ses recherches du jour, il sortait ce livre. Ce n'était qu'un conte pour enfant, de ceux que même Lester trouvait ennuyant et sans aucune leçon à en tirer. Il ne comprenait même pas quelles idées saugrenues avait eu l'auteur. Et pour cause, ce n'était qu'un conte pour jeunes Moldus. Un des rares ouvrages moldu qu'il détenait, parmi les quelques écrits sur la biologie. Il n'y avait alors pas de meilleur livre qu'
Alice au Pays des Merveilles pour que Darius ne cache son petit trésor.
Assis bien au fond de son fauteuil, il feuilletait un livre d'une main et en faisant venir d'autres de la baguette de son autre main. Si ses instants auprès de Meredith s'étaient réduits, il ne cessait pour autant de penser à elle. Toutes ses recherches avaient été mises de côté, il ne réfléchissait plus à un nouveau poison ou théorie magique quelconque. Il consacrait tout son temps libre au remède qui redonnerait vie à sa fille. Elle pourrait se remontrer au public, se promener de nouveau sur la plage et ne plus jamais craindre la nuit.
S’il y avait un autre point difficile pour Darius, dans la maladie de Meredith, était de devoir la cacher de tous, même de la famille proche. Personne en dehors d’Aloysia, Lester et lui-même n’était au courant. Hormis la perfide Aaliyah peut être, mais c’était un autre problème. Il était préférable de ne pas la montrer à Clovis, ou d’éviter d’en parler à sa mère. Mais ceux qui, comme Astoria, n’était pas de si grande menace pour la petite fille. Et si Darius avait une grande confiance en la nièce de sa femme, il ne voulait laisser aucune chance à l’information de fuiter.
Pourtant, il l’appréciait beaucoup, Astoria. Darius la considérait comme sa propre nièce, et s’il aimait aussi Daphne, c’était à Astoria qu’allait sa préférence. La famille d’Aloysia était devenue, en quelque sorte, sa vraie famille. Si les Rosier avaient une certaine place dans son coeur, il n’entretenait plus grande relation avec les Macmillan. Entre sa mère irresponsable, son frère jaloux et son grand-père fou furieux, c’était bien avec ses nièces qu’il préférait se retrouver.
Et en ce jour, comme tous les samedi, c’était la visite d’Astoria qui animerait sa journée. Retranché dans sa Bibliothèque depuis plus de deux heures, il n’avait pas vu le temps passer et ne se doutait pas qu’il était déjà l’heure de la visite de la jeune femme. Pourtant, sur le mur d’en face, la grande horloge venait de sonner. L’aiguille pointait un nom parmi tous ceux autorisés à transplaner sur le manoir Macmillan, et ne hurlait pas pour signaler l’arrivée d’un étranger. D’un coup d’œil, Darius remarqua qu’Astoria était chez eux, et qu’il était plus tard qu’il ne le pensait. D’un geste rapide, il envoya tous les livres sur la lycanthropie se ranger à leur place, ne laissant aucun soupçon et ne gardant près de lui que le tas de manuels de potions. Darius avait souvent l’impression de mener une double vie.
Elle frappa deux coups à la porte, avant d’entrer. Quand elle s’approcha pour le saluer, Darius déposa son livre sur la pile à sa droite, puis se leva avec son sourire habituel.
▬ Astoria, tu ne m’interromps jamais, tu sais bien. J’étais seulement plongé dans mes pensées, je n’avais pas vu le temps passer.
Il s’approcha pour une brève étreinte. Darius avait assez peu de gêne pour un Sang-Pur, était plus tactile et moins à cheval sur les coutumes que ses condisciples. Astoria avait la chance d’être l’une des seules avec qui Darius était sincère dans son affection, alors une étreinte était de mise.
▬ Tu n’as pas croisé Aloysia, ou Lester en montant ? Demanda-t-il en se détachant.
Il ne lui semblait pas que sa femme devait s’absenter, mais peut être avait-elle amené leur fils au fond du jardin, à l’orée du bois ou profiter des dernières chaleurs de l’été sur la plage. Mais il ne s’en fit pas, Aloysia finirait bien par revenir en se souvenant que sa nièce était de visite. Ou était-ce encore l’une de ces nombreuses fois où elle préférait les laisser entre eux.
▬ Comment tu vas ? Lysia m’a dit que tu avais commencé à bosser, elle garde un peu un œil sur toi au Magenmagot. Plus protectrice qu’elle n’en a l’air ta tante. Tout fonctionne bien au moins ?
D’un geste de la main, elle l’invita à s’installer sur le siège en face de son propre fauteuil, en virant d’un coup de baguette toutes les notes étalées dessus. A cet instant, Dyx, la petite elfe de maison apparut devant eux, chargée d’un lourd plateau pour leur proposer le thé. Généralement, Darius était aimable avec elle, elle était travailleuse et commettait assez peu d’erreur, et semblait satisfaite de les servir. Darius n’était pas comme son grand-père, à maltraiter ses elfes à la moindre excuse, bien qu’il ne soit pas tout blanc pour autant.
S’asseyant dans le fauteuil en cuir, il observa Dyx proposer une tasse à Astoria avant de venir vers lui.
▬ Et le Malefoy, ça se passe ? demanda-t-il en prenant une tasse de thé et se laissant servir par l’elfe.
Darius n’avait aucun brin d’affection pour Drago, et le cachait à peine. Il était vert de savoir que sa nièce serait bientôt son épouse, persuadé qu’elle méritait mieux. Mais pour en discuter avec le père de la jeune femme, c’était toute une histoire.