Une matin froid de la fin du mois d'octobre. Big ben se réveillait doucement, et Tom Jugson, lui, était déjà sur le qui-vive. Il n'y avait pas grand monde debout dans les couloirs lorsqu'il partit. Personne ne savait vraiment où il allait, ce qui était sans doute mieux comme ça au final. Enfin, il y avait bien sur Lyna, mais à part ça...si, il y avait Francesco. Mais c'était vraiment à peu près tout. On laissait plus ou moins Tom libre de ses mouvements. Il en profitait à fond. Il avait pas mal occupé ses journées, d'ailleurs, ces derniers temps. Jugson était un homme très méthodique, et il préparait ses plans minutieusement. Homme intelligent et froid, il parvenait à se fondre dans la masse assez facilement, finalement.

Le Chili, après le duel avec Mulciber, l'avait proprement épuisé. En réalité, c'était surtout le duel en lui même qui avait fait du mal à Tom et pour cause, se faire arracher un bras, même métallique, c'était rarement quelque chose qui améliorait la santé, presque autant qu'un sort qui détruisait les cotes. Il avait mis du temps à s'en remettre, et les traces du duel se voyaient encore sur lui. Jugson avait maigri. Le visage émacié, les cheveux courts, la machoire carrée tendue en une dureté inflexible, il aurait pu être beau, à sa manière, comme il l'avait été autrefois. Mais les cernes sous ses yeux et son absence de sourire lui donnait l'air d'être fou, ce qu'il était plus ou moins, par moment. Ses colères sombres semblaient toujours sur le point d'éclater en ce moment. Coupé plus ou moins du monde, il passait pas mal de temps enfermé. Ca le rendait dingue. Il fallait qu'il sorte. Il s'était donc mis en tête de récupérer un nouveau bras.

La pyromancie lui avait permis de créer un nouveau bras. C'était finalement assez facile. Tom était sorti un après-midi, l'air de rien. Il avait été dans un bar moldu, avait demandé une bière et un annuaire, était parti sans payer et avait trouvé ce qu'il cherchait. Une fonderie dans la banlieue de Londres, paradoxalement pas très loin de Rainsborough Manor. Il refusa de céder à la tentation de revenir chez lui pour voir ce qu'étaient devenus les Jugson. Il n'y avait probablement personne, et puis il n'en avait rien à foutre. Enfin, ce n'était pas tout à fait vrai, mais il n'était pas sur qu'il voulait les voir. Et ils étaient déjà probablement tous morts. Il arriva à la fonderie, repéra les lieux, et les horaires de fermetures et s'en retourna à Big Ben. Puis le soir, sans rien dire à personne, il était retourné à la fonderie.

La cambrioler avait été un jeu d'enfant. Tom avait détruit le système de video surveillance et l'alarme d'un coup de baguette magique, et avait forcé la serrure d'un simple alohomora. Il sourit en voyant la porte s'ouvrir. Les moldus, étaient bien imprudents, décidement. Ensuite il était entré, avait simplement volé un pain d'acier à la bonne taille, et était à nouveau rentré à Big Ben. Là, il s'était interessé à la forme du bras en elle même. Il y avait des sorts pour ça, et Tom les connaissait. Le métal ne résista pas aux flammes noires. Il plaça la prothèse dans une petite mallette et la ferma à clé.

Le lendemain, il s'habilla des plus normalement, un léger sourire des plus cyniques aux lèvres. Et lorsque Lyna lui avait demandé ce qu'il préparait précisement, il s'était contenté de dire :

"T'en fais pas, je gères."

Avant de l'embrasser. Puis il était parti en direction de Sainte Mangouste. L'avantage, c'est qu'avec son costume noir et son chapeau de feutre, personne ne se doutait de rien, surtout que Sainte-Mangouste était dans un quartier moldu. N'eut été son bras en moins et ses yeux caves et froid, Tom aurait pu passer pour un comptable. Sur le chemin, il avait loué une voiture. La vendeuse s'était fait un plaisir de lui louer une voiture, arguant qu'il fallait "rendre service à un véteran de l'Afghanistan." Tom ne savait pas du tout ce que pouvait être cette guerre de moldu, mais il se garda bien de répondre négativement, et repartit au volant d'une berline noire qu'il alla garer sur l'avenue qui passait devant l'entrée officielle de Sainte Mangouste. Les guérisseurs, en général, se reconnaissaient facilement. Ils étaient en meilleur état que les patients. Tom attendit patiemment d'en voir un qui ne transplanait pas, fumant tranquillement cigarette sur cigarette. Enfin un type traversa avec une fille, qui le salua d'un "bonne journée docteur Hamilton", avant de s'éloigner dans la direction opposée. La tête de ce type disait vaguement quelque chose à Tom, peut être de Poudlard.

Il le suivit des yeux quelques minutes. Constatant qu'il ne transplanait pas, il remit le moteur en marche lentement, et le suivit à distance respectable. Il crut le perdre sur Pall Mall mais le retrouva assez vite. Finalement, le guérisseur s'engagea dans Clarendon Road, et entra dans un petit immeuble. Tom se gara en face, et nota l'adresse. Il reprit son journal, et commença à attendre. Il notait les allées venues, et voulait savoir si quelqu'un vivait avec Hamilton. A un moment donné, quelqu'un transplana et entra dans l'immeuble. Un immeuble de sorcier, donc. Tom continua à lire la Gazette.

Au moment où il parcourait l'article mentionnant la nomination d'un certain James Eccleston à la présidence du Magenmagot, il fut surpris de voir ledit James Eccleston rentrer dans l'immeuble. Jugson attendit un peu, environ un quart d'heure, puis il sortit de la voiture et alla consulter les sonnettes. Il trouva les noms qu'il cherchait. Eccleston, Hamilton, sur la même étiquette. Outre le fait que le guérisseur était gay, ce dont Tom se foutait royalement, il vivait avec un type ayant pas mal d'influence. Tom retira son chapeau, se passa une main fatiguée sur le front, et maugréa :

"Voilà qui ne m'arrange pas, moi."

Il nota soigneusement l'heure d'arrivée de Misha Hamilton et celle de James Eccleston. Puis il reprit la voiture et revint à Big Ben. Pendant deux ou trois jours, il resta là un bout de temps, surveillant les allées et venues de Hamilton et de ces voisins. Il en vint à la conclusion suivante. Hamilton rentrait, puis le chauve rentrait à son tour, et ensuite, une heure après rentrait Eccleston. Hamilton n'avait fait faux bon qu'une seule fois, apparement pour une urgence médicale. Il y avait bien le risque qu'il refasse le même plan, mais c'était peu probable.

Tom décida de mettre son plan à exécution ce soir là. Il répéta soigneusement chaque détail, et partit finalement à l'heure, emportant avec lui la petite mallette. Il gara sa voiture à la même place comme les autres soirs, alluma une cigarette et attendit. Il craignit que Hamilton ne lui fasse faux bond, mais finalement il revint comme d'habitude, à peine en retard. Tom le regarda claquer la porte, puis tira une nouvelle bouffée de cigarette. Vint alors le chauve. Il sortit de la voiture, et entra comme si c'était naturel derrière lui. L'autre ne fit pas attention à lui, le saluant d'un signe de tête, et entra dans un appartement du rez de chaussée, dont l'étiquette nommait ce type Mallord Donovan. Passionnant. Tom grimpa les escaliers sans se presser, sa valise toujours à la main. Il arriva finalement à l'étage de l'appartement qu'il cherchait. Il écouta soigneusement chacune des portes, écoutant par la même occasion si quelqu'un venait. Personne. A cet étage, il n'y avait que Misha Hamilton et lui, donc. Tom sortit sa baguette, posa sa malle, et éteignit sa cigarette. Avec un léger sourire, il se plaça face à la porte, et d'un sort, fit sauter la porte. Elle sortit de ses gonds, tout simplement et s'écrasa au sol avec un bruit sourd. Jugson entra après avoir installé une barrière au niveau des deux escaliers. Baguette en main, il entra dans le salon d'un petit appartement, pointant sa baguette sur Hamilton. Il eut un léger sourire, et dit :

"Bonsoir, Hamilton. Je crois qu'il est inutile que je me présente, hm ?"

A priori, tout le monde devait à présent connaitre le traitre Jugson. Et savoir qu'il n'était pas du tout bien attentionné.

Tom Jugson avait une forte tendance à être un connard impassible. De plus, l'ancien mangemort tendait à une imprévisibilité apparente qui ne facilitait aucunement le fait de suivre ses raisonnements. Si on rajoutait à ça le passage à Azkaban qui l'avait rendu bipolaire, Tom pouvait bien prétendre au titre de salaud qu'il revendiquait, en y ajoutant en plus une certaine folie qui le rendait vraiment définitivement impossible, de bout en bout, à suivre.

En réalité, il n'était pas tout à fait imprévisible. Si on regardait bien, Tom Jugson avait une certaine logique implacable qui ne pouvait pas vraiment être contredite. Il avait un bras en moins, et donc par conséquent, il lui fallait un guérisseur pour en retrouver un autre. Du point de vue de Tom, c'était très logique. Du point de vue de Misha Hamilton, ça pouvait l'être un peu moins, voir pas du tout. En fait, si on ne se plaçait pas du point de vue de l'ancien mangemort, le suivre était quasiment impossible. Le guérisseur semblait partir du principe que l'ancien mangemort venait pour James Eccleston, le président sorcier du Magenmagot. Concrètement, James Eccleston aurait fait une bonne cible, mais Tom avait déjà donné contre Mulciber, et il ne comptait pas se remettre à faire du terrorisme avant d'avoir récupéré un bras.

Pourtant, Eccleston aurait fait une bonne cible. Foncièrement inintéressé par tous les gens qu'il considérait comme inutiles, et James Eccleston faisait partie de ceux ci, Tom Jugson ne se souvenait même pas avoir brulé le visage et flanqué une peur bleue à son successeur. James Eccleston ne l'intéressait pas le moins du monde. Minable sang mêlé sans envergure, utilisé par Mulciber pour reprendre le Magenmagot à Menroth, Jugson méprisait ouvertement ce genre de type. Tout comme il méprisait plus ou moins Hamilton d'être un guérisseur, qui plus est de sang mêlé. Il ne fallait pas rêver. L'ancien mangemort n'était pas devenu bourbiste du jour en lendemain en passant du coté des résistants. Toujours empli de préjugés, Tom daignait accorder une certaine utilité au guérisseur parce qu'il avait besoin de lui pour son bras, même si Hamilton n'en avait probablement rien à faire.

Jugson eut un mince sourire. Un sourire tout droit venu d'Azkaban, plus un rictus déformant ses lèvres minces en une expression cynique que quelque chose de vraiment joyeux.

"Je pourrais, mais je me suis dit qu'avec un bras en plus ça irait mieux."

Il posa sa mallette tranquillement, surveillant du coin de l'oeil le guérisseur avec sa baguette. Ce n'était pas un combattant, ça se voyait, même si il comptait peut-être se défendre. Puis il reprit avec un rire dur, qui ne dura pas :

"Eccleston ? Non, je n'ai rien à foutre de votre petit copain, Hamilton. Je suis venu pour vous. Vous êtes guérisseur. Greffer un bras, ça doit être dans vos cordes, je me trompe ? "

Toujours cynique. De toute façon, il n'avait pas vraiment le choix. Tom eut un instant l'air sceptique, et demanda :

"Très sincèrement, vous pensez vraiment arriver à me faire quelque chose avec ça ? Expelliarmus."

Le sort, prononcé d'une voix séche, fit sauter la baguette des mains de Misha très séchement. Tom récupéra la baguette du guérisseur et déclara froidement, sans sourciller, avec son très léger agent écossais gommé par des années de discours à la mode anglaise :

" Bon, je vais poser les régles du jeu. Vous m'obéissez, tout se passera bien. Vous essayez de faire le malin, je vous bute. Je suis clair ?"

Assez curieusement, il ne rentrait pas vraiment dans les intentions de Tom de faire du tort à Misha Hamilton. Enfin, pas vraiment. Jugson n'était pas un Mulciber, fanatique de la violence gratuite. Agresser quelqu'un ne lui posait aucunement problème, ça, c'était tout à fait clair. L'ancien mangemort n'avait jamais eu la moindre idée de ce que voulait dire scrupule, mais il avait...comment dire ? Un certain sens de l'honneur et de la justice qui l'empêchaient de commettre ce genre d'exaction. Enfin, d'habitude, quand il n'était pas en colère. Parce qu'il fallait composer également avec les différentes phases de la personnalité de l'ancien mangemort. Il n'était pas fou, pas vraiment du moins, mais on ne pouvait nier qu'Azkaban avait tout de même fait quelque chose à Jugson. Que la vie lui avait fait quelque chose, de manière générale. Au départ, quand il était jeune, à l'époque de ses premiers meurtres, et ça commençait à remonter à loin, Tom Jugson n'avait pas spécialement une passion pour la bagarre. Bon, il lui était arrivé de se battre à Poudlard, pour des histoires de Quidditch principalement, mais ça s'arrêtait là. Et puis il avait évolué. Tuer n'était jamais devenu un besoin pour lui, mais ça ne l'avait jamais dérangé non plus. C'était un moyen. Oui, c'était ça : tuer était un moyen comme un autre pour parvenir à ses fins. Tom avait appris à obtenir ce qu'il voulait par la force de la baguette. En bon égoïste, il prenait des vies comme si elles lui appartenaient. Ca ne lui posait pas problème. Mais Tom avait aussi, dans une certaine mesure, un certain sens de la justice, certes mesquin et tordu, mais il avait tout de même un minimum de déontologie. Il lui fallait toujours un motif pour tuer. Enfin, quand il n'était pas en colère. Manifestement bipolaire, Tom avait parfois de telles crises de rages, proprement incontrôlables, qu'il en perdait tout discernement. Il tuait et cognait alors sans motif aucun, incapable d'avoir le moindre contrôle sur sa colère.

Mais en l’occurrence, l'ancien mangemort n'était pas en colère, et il n'avait aucun motif de tuer Misha Hamilton. Sinon pour le plaisir, mais ça n'avait rien de drôle, au final. L'autre avait peur. Ca se voyait. Il fallait dire aussi que Tom était assez effrayant. Ses yeux très bleus marquaient une grande dureté. Sa mâchoire carrée ne semblait pas faite pour sourire. Plus grand que le guérisseur, qui n'était pas petit lui non plus, Jugson le dominait d'un bon cinq centimètres. Et du statut d'ancien mangemort, traître et combattant assez habile. Bien qu'à l'origine Jugson ne soit pas vraiment un combattant, puisqu'il avait d'abord voulu devenir juriste, il avait tout de même réussi à poser problème à John Mulciber, pourtant féroce combattant, bien plus aguerri que l'ancien chef du PPA. Autant dire que Misha Hamilton ne lui posait pas vraiment problème. Surtout désarmé.

Néanmoins, il fallait lui reconnaitre un certain cran, à ce guérisseur, d'avoir tout de même tenté de faire face. De toute façon, Tom ne s'attendait pas vraiment à ne pas rencontrer de résistance non plus. Sauf si vous étiez totalement lâche, quand un type armé et vous voulant manifestement du mal entrait chez vous, vous essayiez de vous défendre. Bon, en l’occurrence, ça n'avait pas trop bien marché, mais on ne pouvait pas nier une certaine forme de courage chez Hamilton. Jugson hocha la tête :

"Proprement inutile mais courageux. Croyez moi, il vous arrivera beaucoup moins de problèmes si vous collaborez pacifiquement."

Ce n'était pas une menace, ni même un avertissement. Ca n'avait rien de mauvais. Tom ne cherchait pas, cette fois là, à faire peur au guérisseur, il constatait juste. Après, c'était à Misha de voir s'il avait plus l'instinct de survie que l'instinct du purisme.

Évidemment, pour récupérer son bras, il allait falloir lui rendre sa baguette. Tom s'en doutait un peu, vu que bon, l'opération du Saint Esprit était rarement suffisante pour pratiquer la magie. Tom était cependant un homme très prudent, à la limite du paranoïaque. Il répondit d'une voix aimable :

"Mais bien évidemment..."

Et d'un mouvement brusque, il colla la pointe de sa baguette sous le menton de Misha, l'obligeant à relever la tête et à le regarder. Là, oui, Jugson était menaçant, et là, oui, il cherchait à lui faire peur. Ce n'était pas un homme bon. Jugson se voyait comme un salaud. Il savait être cruel, mais il était cruel avec discernement. Il resta dans cette position, regardant le guérisseur froidement et durement. Ses yeux bleus n'exprimaient strictement aucune émotion. L'impassibilité même. Il fallait que Hamilton comprenne. Il pouvait le tuer comme il voulait, et ça ne lui ferait strictement rien. Tom s'en foutait. Ce serait malheureux pour Hamilton, et Jugson n'avait rien contre lui, mais ça ne lui poserait pas problème s'il essayait de se rebeller.

"Pas de conneries, hein ? Ca me pose pas problème de vous descendre, Hamilton, et personne ne peut venir vous aider, là."

D'un geste négligent, il fit apparaitre une petite flamme au bout de sa baguette, qui frola le menton du guérisseur avant de disparaitre. Ca avait juste du le chauffer un peu. Tom sourit d'un air carnassier. Proprement impitoyable :

"Je vous laisse méditer sur ce que ça donnerait à plus grande échelle, hm ?"

Puis il retira sa baguette, recula d'un pas et lança son baton au guérisseur, qui l'attrapa au vol. Il posa la mallette sur une table qui trainait là, et l'ouvrit, révélant le bras d'acier. Il était lourd, mais la magie le rendrait léger pour son porteur. Jugson retira son manteau et sa veste, restant en chemise et gilet. Il fit un geste au guérisseur :

"Eh bien ? Vous attendez quoi ? Le déluge ?"

Faire peur aux gens avait toujours fait marrer Tom. Etre dans la position du plus fort aussi. Pouvoir tout balayer d'un revers de la main juste et uniquement parce que c'était drôle et parce que de toute façon, personne n'avait ni le cran, ni le pouvoir, ni la force, de vous dire non, ça, ça avait toujours fait marrer l'ancien Ministre. Et voir Misha Hamilton le craindre, ça aussi, ça le faisait rire. Tuer ne l'avait jamais fait rire. Ca n'avait jamais rendu triste le hors la loi non plus, mais il s'avérait qu'au final, tuer c'était quand même moche, et que si Tom pouvait éviter de le faire, il préférait sans abstenir. Quelle connerie que le sens moral. Il aurait bien aimé passer outre, mais il ne pouvait pas. Tom avait un minimum d'honneur, un minimum d'estime de lui même qui faisait qu'au final il était bien un salaud, mais pas un type horrible. Si on prenait quelqu'un comme Mulciber, ou Lincoln Crow, c'étaient sans aucun doute des types avec des tas de qualités, ça pouvait aussi être des gens biens. Tom n'allait pas le nier, il avait été plus ou moins ami avec eux, lui aussi. Et on ne s'entendait pas avec des gens qui n'avaient pas de points communs avec nous, n'est-il pas vrai ? Tom était un salaud. Comme eux. Mais il valait tout de même mieux qu'eux pour au moins une chose. Lui, au moins, était capable de pitié. C'était ça qui différenciait l'homme du monstre.

La pitié. Tom était capable d'épargner un né moldu par...non, pas par compassion, mais parce que tuer le dégoutait à un moment ou un autre. Il n'avait pas de problème avec les meurtres, mais à un moment, sa conscience criait, elle en avait ras le bol, et il craquait. Il refusait le meurtre. Il pouvait se passer un an, deux ans, trois ans, sans que rien ne se passe, et puis un jour Tom refusait. Il en avait assez, il n'acceptait plus, alors il baissait sa baguette, et il avait pitié. Il laissait filer, même si le lendemain il devait retrouver la personne et la tuer, ça ne lui posait pas problème. C'était le lendemain, et Jugson ne s'occupait que de l'instant présent.

Car après tout, rien ne garantissait que le lendemain, il soit encore vivant. Les mangemorts avaient déjà tuer sa famille, il avait affronté Mulciber. Jugson savait pertinemment qu'on le traquait, et que si il dépassait les quarante ans, ce serait un vrai miracle. Cette guerre limitait considérablement l'espérance de vie. Surtout lorsque manque de bol, vous vous retrouviez du coté hors la loi.

La question qui se posait à lui, en voyant le guérisseur le craindre comme pas deux, était : est-ce que Tom avait vraiment envie d'avoir pitié de lui aujourd'hui ?

"Vous voyez, c'est que j'ai pas que ça à foutre de trainer ici. Donc si vous n'accélérez pas le mouvement, je vous obligerais à l'accélerer. Et croyez moi, vous n'aimerez pas du tout."

Manifestement, non.

Mais en même temps, il n'avait pas que ça à faire. Tom gardait sa baguette magique levée vers le visage de Hamilton, près à s'en servir au moindre mouvement un peu suspect. Il disait avoir compris, mais en même temps, ce type avait une gueule à se faire cogner dessus, et lui flanquer une rouste était déjà assez tentant pour Tom. Mais il fallait patienter. Un guérisseur assommé ne servait proprement à rien, donc Jugson décida patiemment d'attendre. Entre autre qu'il ait recoller son bras. La réflexion de Hamilton le fit rire. Qu'est-ce qu'il lui bavait, là ? Tom s'était fait coupé le bras une première fois, ce qui lui avait causé la plus abominable douleur physique qu'il puisse imaginer, puis il avait récupéré un premier bras métallique, et le coller (pouvait-on parler de souder ?) lui avait fait mal, puis Mulciber avait arraché ce dit bras...autant dire que ce que Hamilton pouvait lui faire, Tom s'en contrefoutait royalement. Il sourit d'un air dur :

"C'est vrai, ça va beaucoup me changer de d'habitude."

Non, en fait, pas du tout.

En fait, Misha Hamilton énervait Tom. Ce n'était pas spécialement qu'il soit énervant, ou hautain. Non en fait, il se contentait d'exister, de ne pas tout à fait se laisser faire, et ça, c'était franchement agaçant. Tom n'avait pas une passion pour agresser les gens, il n'aimait pas spécialement cogner, même si ça ne le dérangeait pas, mais en fait, là, oui, il avait vraiment envie de cogner le guérisseur. Qu'est-ce qu'il croyait, lui ? Qu'il avait que ça à foutre de répondre à sa petite personne insignifiante ? Qu'il avait que ça à faire, d'entrer chez des gens qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam pour les martyriser, les menacer et se faire ressouder un bras ? Jugson n'avait rien contre Misha Hamilton, juste une envie profonde de gueuler qu'il n'était pas le méchant de l'histoire, qu'il ne faisait pas ça pour le plaisir et qu'il n'avait tout simplement pas le choix ? Si Jugson avait pu faire autrement, bien sur qu'il aurait fait autrement. Mais en l'occurence, le guérisseur de Big Ben était incapable de faire quoique ce soit pour lui, les nerfs étaient trop endommagés, il ne pouvait pas refaire ce qu'il avait fait la première fois.

Mais est-ce que Hamilton était capable de comprendre ça ? Non, franchement, Jugson en doutait. Ce type sortait avec le président-sorcier du Magenmagot, il ne fallait pas s'attendre à grand chose de sa part, mis à part du purisme et une haine des hors la loi...C'était quand même malheureux,ça, qu'un guérisseur lambda, basique, un type pas élevé dans la tradition du purisme comme Tom l'avait été, soit moins ouvert que Jugson lui même. Oh, l'ancien Ministre ne prétendait pas ne plus être puriste, mais nom d'un chien, il passait pour tolérant à coté de ce type. Quoique, bien sur, il était tout de même conscient que défoncer la porte des gens les rendaient rarement amicaux, surtout lorsqu'ils savaient que vous étiez un terroriste et un hors la loi renommé, doublé d'un traitre, donc un peu sournois, ancien mangemort et Ministre de la Magie. Et puis même si au fond Tom pouvait être un brave type, là, Hamilton le gonflait clairement.

"Je vous demande pas de miracle, nom de Dieu ! Juste de la fermer deux minutes."

Jugson avait légérement élevé la voix, juste assez pour paraitre en colère mais rester calme. Mettre en colère Tom Jugson n'était jamais une bonne idée. C'était un type, d'ordinaire, raisonnable et calme, mais lorsqu'il se fichait en pétard, il perdait tout discernement. Il avait une tendance à être colérique lorsqu'il était jeune, mais Azkaban l'avait rendu définitivement bipolaire. Pour peu qu'il se mette en rogne, il cognait tout ce qui était à sa portée, sans une once de discernement, cognant encore et encore, jusqu'à tuer, même sans s'en rendre compte. Heureusement, le guérisseur parut sans tenir là. Enfin pour un temps. Parce qu'il ne pouvait pas s'obliger à se taire, le bougre. Jugson lutta pour ne pas lui flanquer un coup tout de suite, et se dit que de toute façon, ça ne tarderait pas. Il faudrait bien qu'il le fasse à un moment où un autre, si on voulait que ça ressemble bien à une agression. Jugson était sérieux quand il disait que ça serait plus facile si l'autre se taisait, ou que sinon, il le buterait. Mais pour l'instant, il avait encore besoin de lui. Après...on verrait.

Le sort lui fit mal. C'était moche à regarder. Très moche. Ca brulait aussi, comme si on coulait du plomb sur la chair. Tom resta stoique, crispant la macheoire. Puis tout cessa. Il plia la main, toucha la table. Il arrivait à bouger correctement le bras. Bien sur, ça resterait fragile un temps, mais ça irait. Il remit correctement sa chemise, sa veste et son manteau, puis se leva, baguette en main :

"Levez vous. Allez, et tournez vous. C'est votre tour d'avoir des emmerdes."

L'autre exécuta ; quel autre choix avait-il ? Tom leva alors le poing, celui d'os et de chair, et le frappa à l'arrière du crane. Hamilton s'écroula comme une masse, face contre terre. Sans plus s'occuper du reste, Tom sortit dans le hall de l'étage, enleva les protections de l'escalier, descendit dans la rue, et reprit sa berline.

Ca, c'était fait.