Les joies de la famille [James-Ruth]

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Il allait falloir – James n'avait jamais été amateur de Quidditch, mais la métaphore sportive lui semblait la plus appropriée – il allait falloir jouer collectif. La grossesse de Ruth concernait toute la famille, y compris la famille élargie ; Vera au premier chef, mais aussi James, cousin éloigné mais homme de confiance de la future mère. Il était Mangemort comme elle, et comprenait parfaitement à quel point Ruth allait se sentir en porte-à-faux. Lui-même avait éprouvé pareille sensation lorsqu'il avait été grièvement blessé à Dublin. Il aurait eu besoin de temps, de repos, de congés pour guérir, mais il ne pouvait pas se le permettre. Quelques jours à peine, tant qu'il avait été incapable de mettre un pied devant l'autre (et encore avait-il, le plus vite possible, fait apporter des dossiers sur son lit d'hôpital), puis le devoir avait repris le dessus. Malgré la fatigue, le souffle court, la douleur, il avait fallu se montrer digne de son rang. Ce serait pareil pour sa cousine ; trois jours de bonheur maternel, puis retour au travail. Et elle aurait à terminer sa grossesse tout en travaillant. Elle aurait besoin d'aide, songeait son cousin, la mine sombre. Elle ne pouvait pas mettre ses enfants en péril, mais elle aurait à mener de front se grossesse et ses occupations. Pour cela, il faudrait du monde derrière elle ; à Buckingham, mais aussi en-dehors, dans la famille. L'invitation à déjeuner était un premier geste, une façon de signifier à Ruth qu'elle pouvait compter sur les Eccleston. Surtout sur James, à en juger par le regard offusqué qu'avait eu Vera en entendant son mari retenir Ruth pour le repas. Incorrigible. Elle avait pourtant semblé sincèrement intéressée par la nouvelle de cette grossesse ; ne pouvait-elle comprendre qu'inviter Ruth était la plus élémentaire politesse ? Tout à ses réflexions, James ne fit aucune remarque à sa femme ; d'ailleurs, Epsilon était arrivé, portant les rafraîchissements, et le Ministre en profita pour lui donner ses ordres concernant le déjeuner. Comme pour faire honneur aux deux jeunes femmes, il commanda un repas bulgare, de l'entrée au dessert. L'elfe avait dû s'ajuster aux goûts de Vera et mettre à son répertoire bon nombre de recettes bulgares, cela ne poserait pas de problème.

Ruth s'approcha de James, qu'elle tira de ses pensées en lui demandant s'il tenait le coup. Il eut un sourire en lui assurant que oui ; après tout, ce n'était pas lui le premier concerné. Il avait hâte de voir sa cousine en mère de famille, tout autant qu'elle s'était réjouie d'avance à l'idée de le savoir père.

-Ça tombe bien que tu attendes des jumeaux, fit-il à mi-voix. Je comprends bien les réticences de John à voir son crétin de fils lui succéder, et ça va régler le problème.

Cette grossesse était une chance pour toute la famille. Les familles puristes mesuraient leur puissance au nombre de leurs enfants, et avoir des jumeaux était ressenti comme une bénédiction. Mike et Ruth allaient faire des envieux. Le Ministre observa quelques instants son fils qui courait après son vif d'or, et se demanda avec quelque inquiétude ce que cela donnerait avec les jumeaux de Ruth dans le paysage. Ce serait l'enfer, à n'en pas douter. Peut-être faudrait-il acheter un elfe tout exprès pour garder les gamins, d'autant que rien ne disait que les Eccleston n'allaient pas en avoir d'autres.

Vera s'avança vers eux, en cherchant manifestement à provoquer par son ton. Elle semblait un peu jalouse de la relation qu'entretenaient son mari et sa cousine, qui avait tout des liens entre frère et sœur, et faisait son possible pour s'affirmer. Peine perdue, les deux Mangemorts n'entendaient pas changer leur comportement. James répliqua sèchement :

-Ce n'est pas parce qu'il est question d'enfants que tu dois te comporter comme une gamine, Vera. J'imagine qu'on aura assez à faire sans ça. Je veux bien un mojito, du reste, pour porter un toast aux futurs cousins de Robin. Tout est sans alcool, tu peux y aller, précisa-t-il bien plus aimablement à l'adresse de Ruth.

Boire à la santé des futurs bébés de sa cousine. Jamais il n'aurait cru faire cela de sa vie – mais pour être franc, jamais non plus il n'aurait cru devoir partager son déjeuner avec un petit garçon assis sur ses genoux et détournant à son profit une bouchée sur deux. L'heure était venue, dans la famille, de laisser la place aux jeunes, et d'accepter de ne plus en être un soi-même.

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