Tom Sallybanks aimait bien les duels : l'éducation de son père y était pour quelque chose, il le supposait. Et sa personnalité même également, car il était de façon naturelle querelleuse et enclin à se battre. Oui, à vrai dire, il aimait autant les duels que parier sur les duels, ce qui n'était pas peu dire. Alors lorsqu'il avait qu'il était possible de rejoindre les sélections pour le tournoi de duel amateurs que le gouvernement organisait pour les festivités, Tom n'avait pas hésité une seule seconde. Mille cinq cent galions, c'était une affaire juteuse et plus ou moins intéressante s'il arrivait au sommet – évidemment, de ce point de vue, il avait vite déchanté lorsqu'il avait constaté que son père participait. Il ne réussirait pas à gagner contre Joe. Impossible. Cela dit, s'il pariait suffisamment intelligemment sur lui et les autres, il y avait un bon petit paquet de pognon à se faire, ce qui n'était pas désagréable. La rencontre avec Ballero ? Il s'en foutait. Gamin, il avait été fan du gars, aujourd'hui qu'il cirait les pompes du purisme, Monty « La Foudre » Ballero avait totalement perdu son intérêt aux yeux de Sally. En parlant du purisme, ça faisait une excellente raison de plus de participer : s'il parvenait à gagner – ce dont il doutait, là encore – mille cinq cent thunes étaient encore mieux dans sa poche que dans celle du ministère, qui n'en avait pas besoin, et qui méritait bien qu'on la lui pique. D'ailleurs, l'ironie de tout ça, que lui, l'escroc sans aucune morale, puisse être encensé par un Ministère et un régime qui l'aurait détesté s'il avait eu connaissance de ses activités, faisait grandement rigoler Tom, qui trouvait cela assez savoureux.

Donc il s'était inscrit, avait passé sans mal les qualifications, et maintenant, il était en huitième de finale. Il avait suivi les autres matchs avec intérêt, histoire d'évaluer la concurrence. C'était aussi un bon moyen de se changer les idées, s'était-il dit, de se concentrer sur quelque chose d'extérieur. Sa rupture avec Anne était encore récente, et même si ça s'était passé dans des termes relativement corrects, Thomas jugeait bon de ne pas se laisser aller : en roue libre, il se serait sans doute apitoyé sur son propre sort en buvant comme un trou tous les soirs pour oublier que tout de même, même s'il le prenait assez bien, ça faisait du mal, cette histoire. Là encore, c'était avant de découvrir que Anne participait aussi. Il avait moyennement envie de la croiser, au final, pour l'instant, et espérait qu'il (ou elle, il s'en foutait) se feraient éliminer avant qu'ils ne se croisent.

En attendant, son premier duel l'opposait à une certaine Alexa Turman. Il n'en avait jamais entendu parler, cela dit. Peu importait, c'était l'heure d'y aller. Il entra sur le court de duel sous les applaudissements polis : logique, on ne le connaissait pas non plus. Il salua réglementairement Alexa, ajoutant quelques mots polis :

« Bonne chance à vous, que le meilleur gagne. »

Il n'avait rien contre elle après tout.

Le style Sallybanks ? Cogner sans relâche jusqu'à trouver une faille dans le jeu de l'adversaire. Très vite, il attaqua donc, le premier, sans fioriture, un bombarda tout ce qu'il y avait de plus simple, qui manqua sa cible. Il reprit position, sur ses gardes : elle allait l'attaquer elle aussi, mais il restait de nombreuses chances de l'avoir.

Statistiques:

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Rapidement, Tom avait compris que le niveau allait être tout autre que les qualifications. Le public était chauffé à blanc et la pression montait. Bon, il la subissait bien, il était un ancien joueur de quidditch habitué à ce genre de choses et de comportement, donc ça ne posait pas trop de problème, mais il savait qu'on attendait pas mal des concurrents. Les gens venaient pour voir du spectaculaire, des flammes, des sorts puissants, de quoi les impressionner. Des veaux, tous, qui s'excitaient lorsqu'on leur donnait du pain et des jeux, ou alors des vacances et un tournoi de duel. Lui le faisait-il pour le fric, pour le prestige, pour la gloire ? Non, pas vraiment, il le faisait principalement parce que c'était son plaisir, et que ça le faisait rire d'aller se battre un peu. A la loyale, pour une fois, songea Tom. Ce n'était pas un règlement de compte, ici, ni un duel pour tuer ou pour blesser, c'était juste une démonstration, un amusement, une bataille dans les règles de l'art. Ca lui permettait de pratiquer un peu, et de s'amuser.

Rapidement, donc, il sut que la partie serait serrée. Pourtant, Tom était bien décidé à aller jusqu'au bout, les copains allaient se foutre de lui s'il ne donnait pas tout ce qu'il avait. Une part d'ego personnel l'incitait à vouloir absolument gagner. Adrian et Al, il le savait, ne l'épargnerait pas s'il se faisait avoir par une nana inconnue, et sortie de nul part, et ce dès le premier tour. Pourtant, la nana en question, Alexa Turman, allait peut-être bien le battre, parce qu'elle ne s'en sortait pas trop mal. Le premier sort qu'elle lui lança l'atteignit de plein fouet, le projetant en arrière. Il se releva cependant sans trop de difficulté.

« Z'êtes pas mauvaise, dites donc. Vous êtes dans un club ? »

Il enchaina avec un sort de feu, qui, s'il atteignit sa cible, fut bloqué par la jeune femme sans difficulté. Au moins avait-il réussi à recadrer le tir. Au prochain tour, il réussirait. Mais le style d'Alexa Turman intriguait Tom. Une manière sobre de combattre, sans fioriture, qu'elle avait. Il connaissait ce style, différent du sien, plus brouillon et plus porté à faire des étincelles, du spectaculaire, de l’esbroufe. Oui, ça ressemblait bien à du Sonny Northanger, ça. Pas étonnant, si c'était le cas, qu'elle gagne, Sonny était un excellent prof. Pas de honte à perdre, dans ce cas, mais ce n'était pas pour cela que Tom comptait se laisser faire.

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Une petite voix dans la tête de Tom commençait à lui souffler qu'au lieu d'essayer de jouer au plus malin, il aurait peut-être du se contenter de rester dans les gradins et de faire ce qu'il savait faire de mieux : parier et parier encore et gagner une montagne de fric. Mais Sally n'écoutait pas sa conscience – une conscience ? Quelle conscience, d'abord ? - surtout lorsqu'elle devenait aussi désagréable qu'elle l'était en ce moment. Non, il fallait vivre vite, il fallait s'amuser, et puis au pire, ce n'était qu'un duel. Pas un truc à enjeu, comme il le faisait d'habitude, où s'il perdait, il fallait fuir en courant, parce qu'il y avait de fortes chances pour que la personne derrière veuille sa tête, ou lui faire sa fête, si possible avec un couteau de boucher. En témoignait l'épisode Ernest Chambers, cet espèce d'abruti avait vraiment manqué de lui faire la peau et il fallait encore qu'il remercie Al.

Non, là, c'était censé être marrant, sans enjeu : mais ça faisait toujours un peu de mal à l'ego de perdre et Tom Sallybanks n'échappait pas à la règle. Pas un seul sort de réussi, et l'autre en face qui les réussissait tous, ça relevait quasiment de l'injustice, franchement. Les dés étaient pipés, on avait trafiqué sa baguette, quelqu'un avait filé du Felix Felicis à cette nana, il y avait forcément une explication, il ne pouvait pas être aussi nul que ça, certainement pas : en vérité, Sally était un peu mauvais perdant, mais il avait aussi moyennement envie de subir les rires de hyènes de Aldébaran et de Adrian : Al et Ady n'allaient certainement pas manquer une telle occasion de se foutre de sa gueule s'il venait à perdre.

Allez, il pouvait encore tenter quelque chose, Tom en était à peu près sûr. Il se prit d'un rire :

« Tant qu'à faire, je préfererais que vous ne défouliez pas sur moi. »

Mal lui en pris, il ne bloqua pas à temps le sortilège de la jeune femme : un sale sort, c'était glacé, c'était pénible, et ça empêchait de viser correctement. Malgré tout, il continua à plaisanter.

« Comptez pas sur moi pour me rendre, je serais nul jusqu'au bout. »

Et envoya derechef à un nouveau sort, qui n'atteignit pas plus sa cible que le précédent. Ca commençait à devenir une habitude, et Tom ne releva même pas.

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