Curieux, très très curieux. Tom fronça imperceptiblement les sourcils. Il se serait attendu à un peu plus de réaction. Mais non. LeeRoy restait froide, imperturbable. Plus que lui ? Non, sans doute pas. Quoique. Elle lui ressemblait un peu, au fond. Peut-être était-ce cela qui le dérangeait le plus. Le fait de se reconnaître en cette femme, plus jeune que lui, à la fois belle et légèrement provocante. Mais aussi le fait de sentir qu'il n'avait fait qu'effleurer la surface, que ça n'irait pas plus loin. Oh bien sur, chacun savait ce qu'il voulait, chacun avait eut ce qu'il voulait. Bien sur, ils avaient tous deux dit la vérité. Mais ce n'était que la surface. Ce que Tom avait compris, il l'avait compris sans parler, en réfléchissant lui-même. Chacun gardait secret son passé, en espérant que jamais, jamais quelqu'un ne le découvre et ne l'utilise...

Mais là, rien. Il s'était attendu à un sourire, des larmes, n'importe quoi en fait. Mais pas à ça. Enfin pas uniquement à ça :

« Vous ne pouvez imaginer à quel point ce que vous me donnez peut-être important pour la Serviteur des Ténèbres que je suis mais aussi pour la mère que je continue d’être… »

Froideur. Elle n'était que cela. L'histoire la touchait personnellement et pourtant...

"Décidemment, vous êtes quelqu'un de bien étrange, professeur LeeRoy...Ne me regardez pas comme ça, voyons. Ce n'est en aucun cas une insulte. A peine un constat. Abraxas l'avait compris, je crois que je le devine aussi. Est-ce que c'est l'universalité du deuil qui fait ça ? Peut-être. Je ne sais pas. Si je l'ai su un jour, j'ai oublié.

C'est très curieux...Qu'est-ce qui vous a altéré à ce point ? Dites moi un peu...Où êtes vous vraiment ? Ma vue n'a jamais été très bonne, pourtant j'ai beau vous regarder, je ne vous vois nulle part...

De quoi êtes vous prisonnière ? D'un passé que vous savez ne plus pouvoir atteindre ? Ou d'un futur que vous voudriez avoir, mais que vous ne savez pas comment atteindre ?

Ils ne vous pas appris, n'est-ce pas ? Ils ne vous pas appris que c'était le présent, là ou vous vivez, là où vous deviez être. Pas le passé, ni le futur. Ni Brom, ni Scofield. Personne. D'ailleurs, comment auraient-ils pu savoir, après tout. Quand on a perdu quelqu'un, quand on s'est perdu soi-même, on réapprend seul ce qui est logiquement inné. Personne ne sait à part nous-mêmes. Et c'est différent pour chacun de nous...

Regardez moi. Le pire, c'est que vous savez que j'ai raison. Je suis passé par les mêmes épreuves que vous, professeur LeeRoy. La seule différence, ce que je n'ai pas perdu quelqu'un que j'aimais, mais que je me suis perdu moi-même.

Regardez moi. Et n'ayez qu'une seule certitude : Au désespoir et à la mort peuvent succéder le triomphe d'un Retour. "

Regard froid, impitoyable. Regard tranquille et sur. Il savait. Il était revenu de tout. Sa traversée du désert était passée depuis longtemps.

« Quand vous vous partirez à la capture de Moriarty, j’aimerais être présente dans vos troupes. »

Une minute de réflexion. Puis :

"Vous viendrez. Et il paiera pour ce qu'il a fait."

Et encore :

"Allons. J'ai un autre rendez vous, et le professeur Brom ne me pardonnerait pas si je vous gardais au Ministère. Bonne journée à vous, Professeur LeeRoy. Ca a été un plaisir de vous revoir. "

Il la raccompagna jusqu'à la sortie, puis revint à son bureau. Il lui semblait que le temps s'était arreté, et reprenait son cours à présent...Peut-être était-ce ainsi qu'on survivait.
En partant à la recherche du temps perdu.